Déception brésilienne

7 ans après son dernier passage à la Maison de la danse, la chorégraphe brésilienne Deborah Colker revient avec un spectacle sur la cruauté de l’amour qui, en voulant nous séduire par la beauté du mouvement et des effets visuels, démontre surtout une absence d’écriture chorégraphique, autour de poncifs artistiques et une émotion qui se fait rare.

Lors de sa dernière création « 4 por 4 », la chorégraphe avait subtilement confronté les danseurs à une installation de 90 vases de chine posés à même le sol, transformant cette contrainte en une formidable machine à créer. Ici, le spectacle s’ouvre sur une énorme boule lumineuse suspendue au milieu de la scène, qui laissera la place aux couples venus se chatoyer sur une musique mêlant piano, clavecin et violon. Le ton est donné, les rencontres se feront sous un clair de lune, avec une danse qui cherche l’élégance et l’univers des grands films romantiques, imposant une atmosphère de désuétude qui, hélas, marquera de son sceau tout le spectacle.

Car oui, on s’ennuie très vite devant ces êtres qui semblent ne faire que bouger à l’intérieur d’une succession de tableaux dont l’écriture manque de sens, portés par une musique qui mélange les genres donc les sentiments, jusqu’à nous casser les oreilles. Symbole d’un certain chaos dans la relation, la musique électronique prendra sa place dans une longue scène où hommes et femmes, autour d’une immense table rectangulaire, sortiront les couteaux de la tragédie. Plus dénudés que précédemment, les danseurs virtuoses et à la belle plastique parviendront à nous offrir quelques moments de danse savamment élaborée, sans pour autant laisser place à l’émotion.

Dans la seconde partie, la chorégraphe déroule encore plus son penchant pour les installations scéniques et le cirque, avec des danseurs défiant de grands miroirs carrés et mobiles. C’est ainsi l’occasion de jouer avec les effets de double, des corps qui disparaissent, se transforment ou qui se regardent dans les glaces. Si ce type travail a pu séduire le Cirque du soleil qui a demandé à Deborah Colker de venir chorégraphier pour lui, on reste un peu perplexes devant un certain manque de cohérence dans le propos artistique et une gestuelle répétitive et pauvre qui semble plus célébrer le culte du corps que nous amener vers une véritable écriture chorégraphique. Faut-il alors prendre ce spectacle comme celui d’un travail sans prétention, limite futile, à la manière de la célèbre compagnie brésilienne Gruppo Corpo ?

Cruel de Déborah Colker, à la Maison de la danse, jusqu’au 10 juin.
www.maisondeladanse.com

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