Attention, création ! Mais qui dit contemporain ne dit pas forcément musique opaque : la preuve avec ce drame shakespearien composé par George Benjamin.
Commande et coproduction de sept maisons prestigieuses à travers le monde, Lessons in love and violence a été créé en mai 2018 à la Royal Opera House de Londres. Un an plus tard, la création française s’annonce sous ses plus beaux atours. Car son compositeur, George Benjamin, n’en est pas à son premier succès dans le domaine. En effet, le festival d’Aix-en-Provence avait vu, en 2012, Written on skin couronné de lauriers, aussi bien par la critique que par le public.
Livret shakespearien
Avec ces Lessons in love and violence, Benjamin renoue avec son partenaire habituel, l’auteur anglais Martin Crimp, qui, s’inspirant librement d’une pièce de Christopher Marlowe, accouche d’un livret shakespearien et politique. Un roi sans nom, adultère, dispense ses largesses à son amant aux dépens de ses sujets en proie à la misère et à la guerre. Son conseiller militaire, Mortimer, critique à l’égard de ses choix politiques, se voit en retour privé de ses richesses et de ses terres. L’alliance de celui-ci avec la reine Isabelle conduit à la mise à mort de l’amant, Gaveston, début d’une série de drames qui verront la famille royale, jusqu’au jeune prince, se déchirer jusqu’à la mort. Comme chez Shakespeare et dans le théâtre élisabéthain, la rapidité des changements de scène n’a d’égale que la complexité de l’intrigue : on ne doit pas s’ennuyer ! Les affects, eux, sont tranchés et la morale volontairement transgressive.
Partition consensuelle et ascèse scénographique
La partition quant à elle ménage l’amateur de musique contemporaine aguerri aux harmonies atonales mais également le novice en la matière : couleurs “tonales”, mélodies (certes alambiquées) et traits d’orchestration familiers confèrent à l’œuvre un caractère consensuel et syncrétique. La mise en scène, signée Katie Mitchell, fait vœu d’ascèse avec une scénographie tournant autour d’un espace unique. La direction de l’orchestre a été confiée à Alexandre Bloch et l’on notera la présence dans la distribution de l’excellent Stéphane Degout (dans le rôle principal du roi), formé à l’atelier lyrique de l’Opéra de Lyon.