Le ballet de l’Opéra de Lyon crée deux programmes exceptionnels du maître Jiří Kylián. Un grand moment de danse !
Cela fait plus de trente ans que Jiří Kylián collabore avec le ballet de l’Opéra de Lyon. Durant tout ce temps, il lui a offert plusieurs pièces tout en l’enrichissant de son univers et de sa vision de la danse. Le chorégraphe achève une résidence de trois ans avec deux programmes proposés dans deux lieux différents.
Le premier, intitulé “Après hier”, est présenté au Toboggan. On y retrouve Petite mort, une pièce créée pour le bicentenaire de la mort de Mozart dans laquelle Kylián met en scène six femmes, six hommes et six fleurets qui font corps avec les danseurs ; une ode à la féminité et à la masculinité sur fond d’érotisme et d’extase sexuelle. Deuxième pièce de ce programme : 14’20”, un duo extrait de 27’52”, constitué d’élans amoureux et de mouvements de bras majestueux, incarnant une réflexion sur le couple et ses dissensions révélées par d’infinies variations.
Discipline et liberté
La troisième pièce du programme “Après hier”, Falling Angels, créée en 2008, est une entrée au répertoire du ballet. Conçue pour huit femmes, cette pièce est un hommage aux interprètes féminines. Sur la musique de Steve Reich, dont la structure est très stricte, elle laisse émerger une grande liberté chorégraphique et d’interprétations émotionnelles. Le chorégraphe fait coexister les deux caractéristiques les plus opposées de toute œuvre d’art : la discipline et la liberté. Les huit femmes dansent du début à la fin. Leur interdépendance et leur volonté de s’échapper sont constamment présentes. “Falling Angels, dit Kylián, est le symbole d’un conflit entre appartenance et indépendance, un dilemme, qui nous accompagne tous de la naissance à la mort.”
Trois chefs-d’œuvre à l’opéra
Tout aussi magistral, le second programme, “Avant demain”, présenté à l’opéra, est également constitué de trois pièces. Wings of wax (Ailes de cire), une entrée au répertoire dont le titre évoque la légende d’Icare et de son père Dédale dans leur fuite du labyrinthe où ils sont prisonniers, symbolise le désir de liberté de l’humanité, qu’elle soit physique ou spirituelle. Le chorégraphe fait le parallèle avec le métier de danseur, dont le corps se trouve dans une sorte de confinement solitaire pour s’exposer comme une œuvre d’art en voulant réaliser ses rêves. Il questionne les frontières entre le réel et l’imaginaire, la notion de représentation dans la vie et sur scène. Un des thèmes majeurs de ses pièces est celui de l’individu qui se confronte à la réalité et ses tentatives pour se l’approprier ou en contourner les difficultés. Gods and Dogs, la deuxième pièce de ce programme, explore cette piste à travers une réflexion sur notre manière de nous habiller, avec des vêtements qui seraient des masques interchangeables selon nos parcours de vie, le jugement des autres ou l’influence que l’on veut avoir. Enfin, on reverra Bella Figura, une pure splendeur, mise en abyme du théâtre dans le théâtre ; un univers surréaliste éclairé aux flambeaux, des interprètes à demi nus, la taille prise dans une jupe fluide rouge, et la danse qui déploie sa sensualité sur des musiques des XVIIe et XVIIIe siècles, dont le Stabat Mater de Pergolèse.