Elodie Bouchez
©Fernandez

élodie Bouchez : un retour sur les planches

THEATRE. Le cinéma français semblait la bouder, elle a tenté sa chance à Hollywood, et elle revient par surprise, sur scène. Petite histoire d’un quasi baptême théâtral.

La révélation des Roseaux sauvages de Téchiné (15 ans déjà) et de La Vie rêvée des Anges (Palme à Cannes et César en 1998) n’est pas actrice à se prendre la tête. Mais à prendre ce qui lui vient de plus osé et étonnant, même si parfois rien ne vient, avec un naturel presque désarmant. Un tel détachement frappe chez cette brindille à la fois décidée et peu velléitaire, qui débute au théâtre à 36 ans dans une pièce sombre d’Ödön von Horvath, Casimir et Caroline, sur les amours contrariés et vaincus de jeunes Allemands pris dans les frais de la Grande Dépression. Remplaçant au pied levé et à la dernière minute Sylvie Testud dans le rôle-titre, elle irradie de son ingénuité la mise en scène encore froide et trop contrôlée d’Emmanuel Demarcy-Mota.

Lyon Capitale : On vous voit depuis vingt ans au cinéma, vous n’avez jamais fait de théâtre, hormis la première pièce mise en scène par Sylvie Testud, Gamines, en 2007. Comment vous êtes-vous retrouvée subitement au centre de cette grosse production du Théâtre de Ville à Paris, qui plus est dirigée par son jeune patron, Emmanuel Demarcy-Mota ?
Élodie Bouchez : Sylvie Testud ne pouvait pas assurer la reprise du spectacle en janvier, et il est venu me proposer de reprendre son rôle en décembre. Ça s’est fait comme ça. Ce n’était pas évident, j’imagine, pour lui au départ. Je pense qu’il en avait envie, et en même temps peur. Il ne m’avait pas vue dans la pièce de Sylvie, et ne savait donc pas comment je me comportais sur un plateau.

Vous avez eu très peu de temps pour vous glisser dans la jupe jaune de Caroline, pour lui imprimer votre marque...
J’ai répété dix jours... C’est terrifiant, et génial en même temps. On n’a pas le choix, il faut se lancer. Dès le départ, avec Emmanuel Demarcy-Mota on a exploré une autre piste que la première version de la pièce avec Sylvie, plus en force, plus conflictuelle. Je voulais plus de sentiments, de sensualité, plus d’amour en fait entre Casimir et Caroline. Avant, on ne croyait pas une seule seconde à leur histoire. Très vite on s’en foutait. Cette exaltation pour moi est nécessaire pour traverser toutes ces scènes un peu hard et redondantes où ils se castagnent. Comme on arrive à cet ultime déchirement, sans retour, j’ai envie qu’à la fin on éprouve quelque chose pour eux deux.

Qui est Caroline, quelle image pourriez-vous en donner ?
Une femme amoureuse de son Casimir, et en même temps une femme libre, qui a de l’ambition. Emmanuel Demarcy-Mota insiste sur le fait qu’elle est tirée vers le haut, malgré la mélancolie qui peut la caractériser, et qui est propre à Ödön von Horvath, un auteur à la fois radical et ouvert. Son texte est catégorique. Mais à l’intérieur, les corps peuvent exactement contredire les mots dits. On a joué là-dessus.

Le théâtre est-il une récréation pour vous ou un vrai virage dans votre carrière ?
Jouer Caroline, c’est totalement inattendu. Je poursuivrai dans cette voie, si les mêmes opportunités s’offrent à moi. Plus jeune je m’imaginais faire du théâtre, j’ai passé un bac pour ça, puis l’université. Et j’ai fait très vite du cinéma [Stan the Flasher de Serge Gainsbourg en 1990], il a pris le dessus, le fossé s’est creusé. Le peu de propositions que j’ai eues, dans le théâtre privé qui ne cherchait que des têtes d’affiche, ne m’excitaient pas. Pour retourner chaque soir sur scène avec la même énergie, il faut être en accord avec ce que l’on fait.

Depuis Brice de Nice, et ensuite Seuls Two avec Eric et Ramzy, on vous a très peu vue au cinéma en France. Pourquoi êtes-vous partie aux états-Unis ? Par peur d’être cantonnée dans un emploi ici, que vous avez tout de suite brisé là-bas en tournant les séries Alias en 2005 et L World ?
Encore une fois, rien d’intentionnel. On est venu me chercher pour tout, Alias, L World, les films indépendants… Les quelques fois où j’ai passé des auditions, cela n’a pas marché. Pour Alias, J.J. Abrams [créateur de Lost et réalisateur de Mission : Impossible 3 avec Tom Cruise] m’a proposé de rejoindre la cinquième saison. Le show cartonnait, il avait un pouvoir de décision absolu. Lui et son équipe sont très cinéphiles. Les mecs étaient fans des Roseaux sauvages et de La Vie rêvée des Anges, c’est parti de là. Du coup, sans me poser de question, je suis partie toute seule. C’était ardu, au bout d’un moment pas super épanouissant non plus. Mais j’ai adoré le faire, cela m’a vachement servi. À Hollywood, on n’est pas accompagné, on doit arriver préparé. Ici, cela me paraît plus chaleureux, mais on travaille moins, on négocie. Moi, je suis chargée de cette force de travail dans l’instantané, et du coup tout est encore plus possible qu’avant avec la discipline acquise là-bas.

Casimir et Caroline,

du 17 au 27 mars au théâtre des Célestins, 4, rue Charles Dullin, Lyon 2e.

04 72 77 40 00.

www.celestins-lyon.org

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