Peter Hook © Julien Lachaussée
Peter Hook © Julien Lachaussée

En concert à Lyon : Peter Hook (Joy Division, New Order) dans la lumière

En marge de New Order, totem new wave puis électro-rock des années 80-90 dont il s’est autoexclu, le bassiste Peter Hook revisite sur scène l’âge d’or de ce groupe mythique et de son prédécesseur Joy Division. Deux formations dont il revendique l’héritage. Vieille histoire de rockers divorcés. Ravivée ce vendredi à l’Épicerie Moderne.

On a déjà beaucoup glosé – on l’a fait ici même – sur cette niche de l’industrie musicale que sont les tribute bands, ces formations qui entretiennent le culte des géants du rock par la voie de l’imitation, à mi-chemin entre la reproduction musicale maniaque et le concours de sosies de foire à la saucisse. Citons, parmi les plus illustres, Australian Pink Floyd, One Night of Queen, The Fab Four et les Français The Rabeats (parmi les dizaines s’attaquant à l’œuvre des Beatles), Zoso (Led Zeppelin) ou Nervana. Le concept a même poussé le bouchon (filon ?) de la nostalgie jusqu’à le coupler avec les technologies les plus avancées pour faire revivre – littéralement – les fantômes du passé (Elvis et quelques membres du fameux “club des 27” comme Jim Morrison, Jimi Hendrix et Amy Winehouse) en ayant recours à l’hologramme. Le principe est aussi simple qu’il est technologiquement compliqué : un hologramme de la star se produisant en concert est projeté en “direct” tandis que l’accompagnent des musiciens, bien réels, eux.

Auto-flamme

Depuis quelques années, le tribute band se trouve sévèrement concurrencé par ce qu’on pourrait appeler l’auto-tribute band : soit des membres de groupes mythiques aujourd’hui séparés qui font revivre chacun de leur côté les grandes heures de leur formation. Ainsi, tandis que Brian Wilson rejoue en concert en compagnie de musiciens de complément ses chefs-d’œuvre des Beach Boys – sans avoir le droit d’en exploiter le nom –, son cousin et rival Mike Love fait la même chose avec les tubes des “garçons de la plage”, dont il a juridiquement obtenu l’autorisation d’utiliser le nom en exclusivité. Quand Mark Knopfler saupoudre ses concerts de classiques de Dire Straits, Chris White, son ex-compère, en revisite le catalogue sous le nom de Dire Straits “Experience”. Et quand les shows en son et lumière de Roger Waters rallument la flamme Pink Floyd, le batteur Nick Mason (à Fourvière cet été) met les créateurs de Dark side of the Moon à sa sauce avec son Saucerful of Secrets... De même, si Rick Davies a gardé l’usufruit du nom Supertramp, c’est au prix d’une promesse de ne pas jouer sur scène les titres écrits par Roger Hodgson, démissionnaire en 1983, soit tous les tubes du groupe – promesse rompue depuis. Hodgson sera lui aussi à Fourvière cet été pour les 40 ans du Breakfast in America de… Supertramp.

Héritage moral

La liste pourrait continuer longtemps de ces groupes dont la postérité semble mener une double vie, parfois dans les interstices de luttes fratricides pour la garde de l’héritage moral. On l’arrêtera avec le cas New Order/Peter Hook. Les premiers (trois membres originaux sur quatre) seront eux aussi à Fourvière (décidément), le second les précède ce mois en terre lyonnaise avec The Light. L’ex-bassiste de Joy Division puis New Order, avec lesquels il s’est brouillé, rabiboché puis rebrouillé maintes fois, revendique sa part du gâteau. À juste titre, puisque le son de sa basse fut prépondérant dans le façonnage des esthétiques respectives des deux groupes. En plus du fait que celui qu’on appelle Hooky est un personnage haut en couleur adulé des fans de la scène mancunienne. Un Hooky qui, après des expériences solo parfaitement ratées pendant ou après New Order et trois livres retraçant avec un humour inimitable les mésaventures de l’Hacienda (mythique club mancunien dans lequel les membres de New Order ont englouti à perte leurs royalties) puis les coulisses de New Order et Joy Division, semble avoir trouvé son exutoire en livrant sa version tribute de la légende qu’il a contribué à écrire.

Substance du concert

Avec The Light, le jovial bassiste livre des tournées qu’il consacre généralement à un album de l’âge d’or joué en entier : Closer et Unknown Pleasures (Joy Division), Movement, Power, corruption & lies (New Order)… et cette fois le double best-of Substance. On y retrouve, sur des versions passant volontiers en force, cet hypnotique son de basse – qui suffit généralement à faire la soirée du public – et un Hooky qui passe volontiers et sans complexe derrière le micro en lieu et place d’Ian Curtis et Bernard Sumner. S’acquittant de ce rôle avec ce mélange de rage et d’ironie qui le caractérise, plutôt que de confier la tâche à un professionnel de l’imitation déniché aux puces du sosie vocal. Preuve que, par définition, en matière de tribute à sa propre gloire, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et que tant qu’à imprimer la légende, autant l’imprimer soi-même.


Peter Hook & The Light – Vendredi 3 mai à l’Épicerie moderne (Feyzin) – COMPLET

[Article publié dans Lyon Capitale n° 788 – Mai 2019]

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