Un drôle d’olibrius se cache depuis quinze ans dans le paysage de la chanson française, dont le goût immodéré pour l’absurde et les calembours cache un sens inné de la poésie. Et un musicien de grand talent. Gérald Genty, à découvrir absolument.
Nul si pas découvert, c’est le titre du troisième album du chanteur vosgien Gérald Genty qui, admettons-le, s’il n’a pas été découvert par grand monde au-delà des milieux autorisés – à l’échelle d’une Amel Bent ou d’un Garou, Genty n’est pas grand-chose –, est pourtant loin d’être nul. C’est même tout l’inverse. Le jeune homme gagne à être connu pour peu que l’on affectionne la chanson d’obédience facétieuse, de Mathieu Boogaerts à Philippe Katerine, de Thomas Fersen à Albin de la Simone. On se rend alors vite compte que Gérald Genty est “le plus grand chanteur de tout l’étang”, autre titre d’album qui démontre à quel point celui qui signa une chanson baptisée Mon prénom c’est Gérald, pas Gérard aime à jouer, à jongler avec la notion de notoriété, surtout quand il s’agit de la sienne.
Son premier album : Pour l’instant je suis pas encore trop connu, ça va, mais après j’sais pas. Comme il joue et jongle avec les mots, sa passion depuis qu’il est entré en collision avec un sketch de Raymond Devos : Caen. Quand ? Dans l’enfance. Une révélation pour celui qui devrait en être une. C’est à la manière de l’humoriste belge que Genty écrit : en spirale, en puzzle, en écho, en quinconce, jusqu’au vertige, jusqu’à ce que les mots deviennent eux-mêmes une musique, une rythmique dont la musique vient habiller la colonne vertébrale ondulante.
Catharsis
On peut trouver la chose souvent téléphonée mais c’est aussi ce qui fait le charme de Genty : cette conception, théorisée un jour par Daniel Prévost, selon laquelle quand on a un jeu de mots ou une mauvaise blague en tête, il faut l’évacuer, cela soulage tous ceux qui n’osent pas le faire. De ce point de vue, le Gérald est une catharsis sur pattes, qui plus est jamais à court d’idées. Comme lorsqu’en 2017 il publie Hippopopopopopopopopopopotame un disque de 38 titres dont la durée oscille entre 8 secondes et 3’30 aux titres tous plus farfelus les uns que les autres où brille son amour de la paronomase (Le sucre se moule, Maire de…, variation qui ne dit pas son nom sur le mot de Cambronne, Vous, luthier, Trop d’urée…) qui n’est pas sans rappeler un projet mené il y a une quinzaine d’années par Le Chevalier de Rinchy, un chanteur lyonnais dont chaque chanson tenait en une phrase qui était aussi son titre.
L’erreur serait alors de considérer Genty comme un comique troupier, un chansonnier Almanach Vermot. Car le garçon est aussi et avant tout un vrai musicien, un inventeur, un arrangeur de talent, qui n’a rien à envier aux pairs précités : Boogaerts lorsqu’il se révèle sautillant (dont il partage le timbre velouté), Katerine lorsqu’il se plonge dans l’absurde, De la Simone quand ses compositions flirtent avec la mélancolie en noir et blanc des touches de son piano. Car Genty sait aussi mettre un brin de sérieux dans sa fantaisie, et avouer alors que cette dernière fait office de voile sur une belle pudeur. Chose faite sur son avant-dernier album, Manège éternel. Ou, plus étrange, sur son dernier single, MH370, chanson psychédélico-mélancolique annonciatrice d’un album à paraître le 30 août, dans laquelle il tente de manière très poétique de résoudre l’énigme de la disparition du fameux vol de la Malaysia Airlines. Ce garçon gagne décidément à être découvert.