Joris Mathieu présente en octobre Cornucopia - D’autres mondes possibles (épisode 2), une de ces créations théâtrales futuristes qu’il affectionne, deuxième étape d’un projet ambitieux. Le TNG (Théâtre Nouvelle Génération), dont il est le patron, étant toujours en travaux, nous l’avons rencontré au TNP, où il répète et où son spectacle est à l’affiche, afin d’évoquer ce nouvel opus ainsi que la situation du TNG, toujours privé de sa subvention régionale.
Lyon Capitale : Vous dirigez le TNG, pourquoi jouer votre nouveau spectacle, Cornucopia - D’autres mondes possibles (épisode 2) au TNP ?
Joris Mathieu : Nous pensions pouvoir réintégrer le TNG, en profitant d’une suspension des travaux qui y sont actuellement en cours. Heureusement, la Ville a pris la décision d’aller au bout du chantier, ce qui a décalé l’ouverture du TNG au mois de mars. Un dialogue s’est alors instauré avec Jean Bellorini et Florence Guinard (directeurs du TNP) qui nous ont généreusement ouvert leur plateau. Il y a même un mois de programmation au TNP de spectacles qui nous réunissent. Jean Bellorini a repris Les Messagères, un spectacle joué par des comédiennes afghanes exilées que l’on a accueillies ensemble. Et en parallèle avec Cornucopia, mon nouveau spectacle, il y aura, Le Ring de Katharsy, un spectacle d’Alice Laloy, une artiste que l’on suit également au TNG. On trouvait que c’était un joli symbole que les deux CDN de la métropole travaillent main dans la main lors de cette rentrée théâtrale.
Cornucopia est le deuxième volet d’un projet plus vaste. Comment a été accueilli le premier épisode, Germination, qui avait la particularité d’être visible en “réalité augmentée”, chaque spectateur étant muni de lunettes 3D ?
Le spectacle a bénéficié d’une importante tournée, une soixantaine de dates. Ça a été un travail titanesque ! Jamais autant de personnes, réunies dans une salle au même moment, n’ont été invitées à disposer d’un tel matériel technologique. Cela nous a permis de poser un premier jalon sur ce que cet outil permettait au théâtre. Cela ouvre des potentialités énormes. Mais cela nous a aussi permis de nous poser la question du sens d’un tel équipement. Veut-on vraiment que la réalité soit toujours accompagnée d’images virtuelles ?
Venons-en à votre création actuelle, Cornucopia, quelle en est la trame ?
C’est une fable d’anticipation assez légère sur deux aspects. Le décalage est léger : la pièce se situe dans un futur pas si lointain. Et dans l’écriture, c’est un divertissement où le burlesque, le surnaturel et l’humour sont très présents. Tout se déroule sur une planète où l’humanité, après des catastrophes dramatiques, est très peu nombreuse. Au point que les personnages que l’on va découvrir, les habitants de Cornucopia (nom donné en référence à la corne d’abondance), ont pu tout reprendre à zéro et créer une sorte de démocratie parfaite où les décisions sont prises à l’unanimité dans des agoras qui se réunissent régulièrement. Ils ont un mode de vie égalitariste où tout est régulé, y compris les naissances, où les ressources sont exploitées avec précaution. Mais ils sont convaincus qu’un jour viendra où ils pourront renouer avec l’abondance, qu’ils pourront à nouveau produire et consommer sans limite aucune… Ils sont également persuadés qu’il y a au-dessus d’eux une sorte d’Intelligence Artificielle capable de leur donner des solutions aux problèmes qu’ils n’arrivent pas à résoudre. On retrouve dans cette parabole certaines de nos préoccupations actuelles sur la gestion des ressources, l’IA, la décroissance… En revanche, ils ont résolu les questions de genre ; ils sont hommes ou femmes selon leur goût du jour. La question est anecdotique pour eux. Le spectacle nous parle de cette civilisation-là.
Où en êtes-vous avec le TNG ?
Malgré nos sollicitations, la Région n’est pas revenue sur sa décision de supprimer notre subvention. Nous avons entamé une procédure auprès du tribunal administratif afin que la subvention, que l’on considère indûment supprimée, nous soit restituée. Et nous demandons réparation suite au préjudice subi. Le recours se fonde sur quelque chose de très précis : la Région a officiellement motivé sa décision en la présentant comme une représaille suite à mes prises de parole syndicales. Selon nous, ce motif n’est pas valable : une collectivité n’a pas le droit d’aller ainsi contre l’intérêt général et de faire de la discrimination syndicale. C’est ce que nous disons avec nos avocats. Nous sommes dans l’attente d’un jugement alors que la situation est difficile : 2024 sera notre deuxième année en déficit. Mon mandat s’achève le 30 juin prochain. Si bien que l’équipe qui nous succédera devra affronter une situation économique problématique.
Justement, que ferez-vous à la fin de votre mandat ?
Tout d’abord, je ne regrette rien des dix années passées à diriger le TNG, cela a été une chance et une expérience extraordinaires. Même s’il y a eu deux ans de Covid et trois ans de travaux [avec une programmation hors les murs, NdlR]. Je fais confiance à l’équipe qui prendra la suite pour amener un nouveau souffle, de nouvelles idées. Un chapitre se clôt et je suis plein de projets pour l’avenir. J’ai envie de rester dans la région et de continuer à développer ce qui est notre marque de fabrique, le soutien à la recherche et l’innovation, aux formes immersives et hybrides.
Cornucopia - D’autres mondes possibles (épisode 2) – Du 8 au 19 octobre au TNP