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© J-F. Paga / Grasset

Entretien avec Virginie Despentes : Houellebecq, sa trilogie… et Lyon

Virginie Despentes est revenue au premier plan de la scène littéraire avec Vernon Subutex 1 (premier volet d’une trilogie), un portrait au vitriol de notre société libérale. Elle nous avait confié en début d’année qu’elle n’excluait pas de revenir à Lyon… C’est chose faite, au moins le temps d’un festival, puisqu’elle participe cette année aux Assises du roman. Nous publions ici à cette occasion l’entretien paru dans notre mensuel de février.

Lyon Capitale : Pourquoi ce titre, Vernon Subutex ? Votre héros n’est pourtant pas un ancien toxicomane...

Virginie Despentes : C’est pas raconté dans ce premier roman, mais c’est un nom de punk, un pseudonyme comme il y en avait beaucoup à cette époque, dans les années 1980, 1990.

Était-ce difficile de vous mettre dans la peau d’un homme ?

Je l’avais déjà fait pour Teen Spirit. Je connais pas mal d’hommes, donc je sais à peu près comment ils réagissent. Je n’écris de toute façon pas des livres où l’on s’imagine que c’est moi. Ce n’était pas plus difficile que de se mettre dans la peau de quelqu’un qui tue tout le monde, comme dans Baise-moi par exemple.

Avant la tuerie de Charlie Hebdo, on ne parlait que de Michel Houellebecq. Comment avez-vous vécu ça ?

Houellebecq, on a l’habitude, c’est un peu comme un Beatles. C’est une superstar. Pour les auteurs, c’est pas mal, ça amène les gens en librairie. Il faut de l’argent, dans l’industrie du livre. Ce qui était dur, cette fois-ci, c’est que les journalistes n’en parlaient que par rapport à l’islam. L’islam, l’islam, l’islam... Houellebecq n’était pas responsable de ça, ils étaient partis sur six mois de Zemmour, ils allaient repartir sur six mois de Houellebecq. On a l’impression que c’est leur seule obsession. C’était un peu dur à vivre par rapport à ça.

Je le lirai une fois qu’il sera en poche, que tout ça sera retombé. On est plus tranquille pour lire Houellebecq un an après, on a l’impression que l’on n’en a pas entendu parler, une fois dedans. Je lis tous ses bouquins. Je lis beaucoup de romans en général d’auteurs français et Michel Houellebecq en particulier. C’est super cynique mais super intéressant. On est arrivés en même temps, lui pour Extension du domaine de la lutte et moi pour Baise-moi, tous les deux parus chez de petits éditeurs.

Votre livre sort en trois tomes, le premier en janvier, le deuxième en mars et le troisième en octobre...

Ça me changeait. Au début, j’essayais de couper, mais mon éditeur m’a dit “Fais plutôt deux tomes”. En deux tomes, ça ne tenait toujours pas, je suis donc partie sur un troisième. C’est intéressant, ça change vachement. Je suis en train de corriger le deuxième pendant que sort le premier, tout en préparant le troisième.

Ça suppose que vous ayez tout le plan en tête...

Un peu, quand même. Quelques trucs essentiels, c’est mieux. Mais ça permet aussi de développer des choses d’une façon différente. L’écriture change, c’est celle d’un feuilleton, d’une série. C’est plus rapide. Et je ne voulais pas d’un bouquin de mille pages, que personnellement je n’achèterais pas. Je ne suis pas comme Stephen King, qui sort toujours des romans-fleuves, ça doit être une question de technique différente.

Êtes-vous d’accord pour dire que ce dernier roman est le plus réussi ?

Non, mais c’est vrai que la langue a évolué, que c’est plus classique. Le style est moins celui de la langue parlée. Mais je garde une affection particulière pour Baise-moi et King Kong Théorie. On continue à m’en parler des années après, même à l’étranger. Je ne sais pas si Vernon aura cette chance. Même s’il est plus accessible.

Avez-vous gardé des liens avec Lyon, votre ville d’origine ?

Je vis à Paris, avec de multiples allers-retours à Barcelone. Mais, oui, je suis encore en relation avec des amis lyonnais, notamment les membres du Peuple de l’Herbe. Je suis venue tard à Facebook, mais ça me permet d’avoir des nouvelles en direct. Je n’exclus pas de retourner à Lyon et d’y vivre quelques mois, d’écrire une histoire qui s’y passe, comme je l’ai fait pour Les Chiennes savantes.

Vous êtes aussi cinéaste*. Avez-vous des projets de film ?

Pour l’instant, je termine le troisième tome de Vernon, je verrai après. Mais c’est bien d’alterner. J’ai aussi envie de revenir à la forme de l’essai, comme pour King Kong Théorie, mais sur d’autres sujets...

* Virgine Despentes a réalisé Baise-moi et Bye Bye Blondie.
Virginie Despentes s’entretiendra avec Filippo d’Angelo sur le thème des Générations désenchantées, dimanche 31 mai à 18h30, aux Subsistances, dans le cadre des Assises internationales du roman. Réservations sur le site Internet de la Villa Gillet.
NB : Le 2e tome de la trilogie Vernon Subutex paraîtra en fait le 9 juin, aux éditions Grasset.

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