Jusqu’au 16 mars le Printemps des poètes se poursuit autour de la thématique "infinis paysages". À cette occasion, Lyon Capitale continue son immersion au cœur de la poésie contemporaine avec le poète Éric Sarner qui nous livre à son tour ses impressions sur la poésie et la thématique de cette édition (retrouvez aussi les interviews des poètes Salah Stétié et Jean-Pierre Luminet).
Lyon Capitale: "Se reconnaître ainsi tributaire des infinis visages du monde, c'est sans doute, comme le voulait Hölderlin, habiter en poète sur la terre". Telle est la conclusion de l’édito de Jean-Pierre Siméon -directeur artistique de l’association Printemps des poètes- sur cette édition 2011 ayant pour thème d’"Infinis Paysages". Qu’est-ce que cette thématique vous inspire ?
Éric Sarner : Bien évidemment, je me reconnais dans ce programme. Cependant, il y manque pour moi le visage des hommes, les visages de ceux qui, en même temps que moi, traversent le monde. "Habiter en poète sur la terre" c’est aussi interroger les hommes et le temps qui leur appartient.
LC : La programmation décline la thématique au sens large, y compris en incluant une dimension sociétale et politique avec les thèmes de frontières et des sans-papiers. Le poète doit-il jouer un rôle politique ? La poésie est-elle un contre-pouvoir ?
ES : Je crois que la parole du poète est d’avance politique… Voyons, cette parole sort d’une vision qui a rarement une ambition collective. On pourrait presque dire qu’il existe une sorte de gratuité dans l’expression poétique : celle-ci véhicule un message situé au-delà des mots et qui a peu à voir avec la communication, au sens moderne du terme. Le poème s’adresse à l’intime de l’homme, c’est là qu’il touche ou non. Pourtant, la portée de la vision et de la parole poétiques, tout en transcendant le quotidien, y revient et forcément le modifie. La poésie comme contre-pouvoir ? Non, pas aussi directement : il est impossible de se retourner vers la poésie pour lui demander quelque chose. Mais, qu’il existe une dimension de résistance dans la présence même de la poésie au milieu des hommes, oui absolument et c’est là que nous rejoignons le politique : le différent est toujours politique.
LC : Quelle place occupe d’après vous la poésie dans la société d’aujourd’hui, notamment par rapport à la place qu’elle avait dans la société des années 20 avec le surréalisme ou dans les années 40 avec la poésie de la Résistance qui ont contribué à modifier en profondeur le monde?
ES : La poésie n’a aucune place sociale repérable aujourd’hui. En a-t-elle jamais eue ? En tous cas, elle n’est aucunement un produit marchand. Je pense que s’il y avait la moindre valeur commerciale dans la poésie, on s’y battrait à coups de grandes opérations financières. Je reviens à la gratuité : tout se passe comme si la vocation "gratuite" de la poésie détonnait tellement qu’elle créait la condescendance et le rejet. Nous travaillons dans l’occulte !
LC : Pour des lecteurs qui ne connaîtraient pas votre œuvre, quels ouvrages leur conseilleriez-vous pour découvrir votre univers ? Pour quelles raisons ?
ES : J’écris de la poésie sous de multiples formes, à commencer bien sûr par des recueils ("Petit carnet de silence", Ed. Dumerchez, "Sugar", Editions Dumerchez, "Eblouissements de Chet Baker" (Ed. La Passe du vent) et, prochainement "Ballade de Frankie" (Ed. Le Castor Astral). Mais je fais aussi des films et des récits de voyage ("Sur la route 66", Ed. Hoebeke). Je pense que toutes ces productions sont des essais poétiques.
LC : Quelles œuvres poétiques vous ont influencé ou vous ont accompagné dans votre vie ?
ES : La liste est infinie, c’est que l’on peut se nourrir de poésie partout. Quelques un de mes compagnons de voyage : Baudelaire, Apollinaire, Ginsberg, Essenine, Emily Dickinson, Ungaretti …
Rencontre avec Éric Sarner, le samedi 12 mars de 16h à 19h, librairie Le Bal des ardents, Lyon 1er. Tout le programme de l'édition 2011 du Printemps des poètes à Lyon : https://espacepandora.free.fr/Manifestations/printemps_des_poetes.html