Avec l’exposition Territoires invisibles, histoires d’architectures et de paysages quotidiens, le CAUE Rhône Métropole révèle aux Lyonnais l’architecture et l’évolution de six grands paysages habités qui composent leur cadre de vie. Parmi eux, celui de la maison individuelle, dont l'histoire et l'évolution seront expliquées au public. Architecte-urbaniste au CAUE du Rhône et commissaire de l’exposition, Florent Perroud en retrace les lignes principales.
Lyon Capitale : La maison individuelle est l’habitat le plus plébiscité par les Français et son explosion émane, entre autres, de l’échec des grands ensembles de banlieues. Pouvez-vous rappeler les conditions de cet échec ?
Florent Perroud : Les grands ensembles sont une forme issue du courant de l’architecture moderne développée avant la Première Guerre mondiale, Le Corbusier en était l’un des représentants français. Il questionne la ville ancienne, dense, insalubre, avec de petites rues, sans soleil.
Alors qu’apparaît la voiture avec la révolution industrielle, pour les architectes d’alors, la ville ancienne semble dépassée. Ils proposent de faire la ville en dehors de la ville dans un rapport au paysage différent autour d’axes très rapides. Ils veulent enlever la voiture des quartiers d’habitats, des contraintes du sol qui, lui, sera une armature végétale dans laquelle on va planter de grands volumes d’habitations très hauts. Au sol, il y aurait beaucoup d’activités culturelles, du sport, des loisirs. Ils imaginent donc une autre vision de la ville, mais comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans un pays en plein développement économique, il a fallu construire en masse et dans l’urgence, seules quelques doctrines sont retenues.
Avec un État très interventionniste sur cette question, on est allé vers une préfabrication industrielle du bâtiment collectif sans se poser la question du paysage. On concentre une population à l’écart des villes avec une offre d’équipements inférieure, il faut se déplacer en voiture, ce qui engendre des coûts supplémentaires pour les familles et c’est le moment où beaucoup d’immigrés arrivent.
Ces ensembles deviennent des quartiers d’habitats sociaux où, petit à petit, la pression s’installe pour aboutir dans les années 1980 aux premières émeutes. C’est un échec à la fois social et architectural. À partir de là, les Français cherchent une meilleure qualité d’habitat et se tournent vers la maison individuelle.
"On s’est rendu compte qu’on a construit sur beaucoup d’espaces pour très peu d’habitants"
Quel type de maison individuelle apparaît alors ?
Les maisons standardisées vendues sur catalogue avec des produits rentables et qui conviennent au marché. Type maison phénix. Les réalisations se ressemblent et il y a une perte d’identité du paysage. Les Français font peu appel à des architectes pour construire leur habitation, or ce sont les seuls qui s’adaptent à un projet particulier avec des matériaux choisis comme par exemple la pierre qui n’a pas la même couleur selon la région. Les constructeurs conçoivent des prototypes et font des bénéfices sur l’écoulement des longues séries, un architecte ne coûtera pas plus cher et fera aussi moins de bénéfices. La tendance est encore aujourd’hui la même, dans cette uniformisation du paysage.
Quel est l’impact de la construction des maisons individuelles sur l’environnement et le paysage urbain ?
Dès les années 2000, l’État commence à légiférer sur le développement durable et l’aménagement du territoire. Il est question de restreindre l’étalement urbain, de protéger la nature mais aussi les terres agricoles. On s’est rendu compte qu’on a construit sur beaucoup d’espaces pour très peu d’habitants, qu’on a dépensé beaucoup de terrains souvent agricoles et que cela a été fait au détriment des centres de villages.
En 2010 avec les lois Grenelle, il a été décidé de préserver la nature et la biodiversité, de moins s’étaler, de mieux construire et aussi de réhabiliter les centres, les faubourgs et de préconiser le développement d’un habitat intermédiaire autour d’un regroupement collectif.
Y a-t-il de nouvelles tendances dans la construction de maisons individuelles ?
Il y a d’autres possibilités mais il faut pour cela une volonté de la collectivité. C’est un problème d’offre et de demande, de contraintes économiques. Par exemple, si un élu communal veut investir sur une belle opération, un cadre de logement social ou autres, et qu’à côté, il laisse des terrains ouverts à la négociation de constructions individuelles, il y a concurrence entre deux manières d’habiter.
Ce sera toujours plus facile de laisser un ménage construire sans que la collectivité s’occupe de quoi que ce soit, alors qu’il sera plus complexe d’aller chercher des familles pour une opération d’ensemble. Il y a une concurrence parce que ces dernières cherchent un modèle de logement avec un grand jardin et une certaine forme d’autonomie dans leur vie quotidienne.
Vous montrez en fin d’exposition un exemple d’habitat participatif ?
Oui, on le montre parce qu’on veut questionner le modèle économique de la maison individuelle. C’est un projet qui a permis à huit foyers de s’installer dans un quartier résidentiel de l’agglomération de Toulouse en mutualisant les coûts autour d’une forme bâtie plus compacte et plus efficace que les constructions pavillonnaires, avec des objectifs de durabilité de la construction et de maîtrise des dépenses énergétiques.
De nombreux espaces sont partagés et financés par le collectif comme un studio, un atelier, une salle commune. La maison individuelle est devenue un objet de grande consommation comme une voiture achetée sur catalogue. Le projet d’habiter se construit, il est personnel et doit être adapté à notre mode de vie. La maison individuelle ne l’est pas forcément. Cela nécessite une économie, des déplacements quotidiens, l’accès aux commerces de proximité est plus difficile et finalement cela coûte plus cher à la collectivité car il faut installer des réseaux vers chaque maison étendue, alors que desservir quinze logements sur un terrain d’ensemble coûte moins.
Cela ne signifie pas que la recherche de la maison individuelle n’est pas justifiée mais il faut juste savoir quelle forme elle peut prendre demain pour être plus efficace.
L’habitat participatif va contre l’image de l’individualité du pavillonnaire, on commence à vivre ensemble dès la conception du projet, on choisit une parcelle en connaissant les voisins, les coûts d’architecte sont partagés.
Ce concept est intéressant d’un point de vue économique, social et du territoire car il est plus efficient. Mais c’est un mode alternatif qui est encore aujourd’hui trop peu développé.
Territoires invisibles, histoires d’architectures et de paysages quotidiens, jusqu’au 31 décembre 2021 au CAUE du Rhône (dates de réouverture à venir).
A chacun selon ses besoins ! La ville en appartement, transports en commun, services, commerces..
La vie en communauté , souvent de grands immeubles propriété de l'employeur où toutes les origines se côtoyaient, italiens espagnols portugais polonais, se respectaient en bonne inteligence, puis ce fut la grande migration année 1975 , la vie en cité perturbée par des populations aux mœurs et coutumes différentes .Il ne restait alors qu'à trouver où loger, les terrains en ville, inabordables ils se sont déplacés dans les villages à proximité , on redécouvert la tranquillité.
l'habitat participatif est une illusion, le voisin d'aujourd'hui avec lequel on s'entend si bien peut ne pas être celui qui demain le remplacera !!
Maison individuelle = étalement urbain, grignotage agricole, transports dispersé, voiture individuelle..etc !