EXPOSITION - Après Andy Warhol en 2005, Keith Haring en 2008, le musée d’art contemporain ouvre l’année 2010 avec la première rétrospective dédiée au très controversé artiste Ben, celui qui édite des agendas et des chaussettes, mais dont la facette méconnue de performer pionnier au sein du groupe Fluxus et d’analyste timbré du langage “sera principalement mise en avant”. Une gageure.
Le rythme de croisière est désormais établi. Tous les deux ou trois ans, le musée d’art contemporain, du fait d’un accord passé avec son propriétaire la ville de Lyon, programme une grosse expo populaire, qui “fera de la billetterie”, histoire de remplir un peu les caisses et de programmer le reste du temps des choses plus confidentielles (telles que Kendell Geers et Lori Herberger en 2007/2008), en tout cas moins faciles d’accès pour ce qu’on appelle le grand public.
Et après une biennale d’art contemporain au bilan… lyonnais (c’est-à-dire qui n’a toujours pas réussi à prendre l’ampleur nationale à laquelle il est pourtant voué), on repart donc sur un nom qui éveillera la curiosité de quelques ados et pourquoi pas de leurs parents car ils reconnaîtront sans doute cette écriture blanche tracée sur fond noir, imprimée sur leur agenda scolaire. Ce même nom dessinera sans doute aussi une moue dégoûtée sur les visages sévères des critiques d’art pour qui Ben est devenu un artiste corrompu à la grande distribution, sous couvert de provocation cynique.
Sera-t-on déçu par la mise en scène que proposera Ben Vautier au Mac, et surtout par le propos qu’il y tiendra ? Il semble être le premier à s’en inquiéter, très franchement, craignant sans le cacher à la fois de passer pour un has-been, de ne pas réussir à créer, et de se faire huer par ceux qui l’attendent au tournant, un flingue dans la poche arrière.
Quand Ben arrive en ville
Au musée d’art contemporain, en revanche, on est assuré d’obtenir au minimum un succès populaire, c’est-à-dire de faire un joli score en terme de visiteurs. Ce qui est de toutes façons l’un des principaux objectifs. Et pour cela, le dispositif de communication mis en place est aussi conséquent qu’implacable. “Ben envahit Lyon”, sous-titre de l’expo, sera vœu exaucé. Sur le modèle de la signalétique de la biennale, des affiches et stickers seront posés sur les abris-bus de la ville.
Comme pour l’expo Keith Haring, la gare de Perrache collaborera à l’événement : Ben inaugurera ce mercredi un large panneau sur lequel il demandera “De quoi avez-vous peur ?”, question à laquelle les voyageurs seront invités à répondre sur des post-its, à coller sur ce même panneau. Ben habillera de plusieurs de ses fameuses phrases les tickets TCL, les tickets des parkings Lyon Parc Auto, et même les tickets des horodateurs. L’invasion sera sinon totale, au moins massive.
Impossible donc d’échapper à l’expo, n’en déplaise à ceux qui n’apprécient déjà pas sur les t-shirts et agendas ce graphisme survendu. Mais, finalement, tellement familier, qu’il pourra peut-être délivrer au mieux les messages portés : “Parlez à votre voisin”, mais aussi “Je suis célèbre” et, mieux, “Tout ce qui monte descend”.
Fluxus, fluctuat nec mergitur
À côté de ces réalisations extérieures seront par ailleurs programmés des conférences, des cafés-débats, portant cette fois plus spécifiquement sur un Ben qui initia un bon nombre de coups artistiques dans les années 60 et 70 au sein du groupe Fluxus, dissident, pionnier et repère dans l’histoire de l’art. “Est-ce que ça [la rétrospective, NDLR] veut dire que je suis mort ?”, se demandait Ben dans un entretien accordé à Lyon Capitale (lire ici). Lors des rétrospectives comparables qui leur avaient été consacrées, Warhol l’était, Haring aussi. À Ben de prouver que, pour ce qui est de sa personne, ce n’est pas le cas.
Strip-tease intégral. Rétrospective Ben. Du 3 mars au 11 juillet, au musée d’art contemporain de Lyon. www.mac-lyon.com
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