Lyon centre du monde 1
“Lyon centre du monde”

Expos : Gadagne et Lyon centre du monde

“Lyon, centre du monde !” actuellement visible au musée d’histoire de la ville est l’une des meilleures expos temporaires vues à Gadagne. Éclairage historique sur ce temps fort consacré à l’exposition urbaine et internationale de Lyon en 1914.

“Lyon centre du monde”, vue de l'exposition © Musées Gadagne

Depuis son arrivée à la tête des musées Gadagne en 2011, Maria-Anne Privat-Savigny a multiplié les expositions temporaires. La première, consacrée à Lyon et la gastronomie en 2011, a mis la barre très haut. Les suivantes nous ont alors paru bien fades ; la dernière en date, “La rivière et le fleuve”, fut l’une des pires du genre : espace étriqué, documents iconographiques quelconques et cannibalisation des murs par le projet municipal des rives de Saône, tout n’était que déception. Le temps fort consacré à l’exposition urbaine et internationale de Lyon en 1914 raviva nos espoirs, qui sont comblés.

Quatre hommes et une expo

Le terreau était fertile pour livrer une réussite exemplaire : les expositions lyonnaises traînent une malédiction tenace. Celle de 1872 s’est achevée sur une faillite. En 1894, l’assassinat de Sadi Carnot met fin à la fête avant qu’elle ne commence. L’édition de 1914 est ternie par la guerre. L’adage lyonnais pourrait être : “N’organise pas d’exposition à Lyon, cela a de grandes chances de mal finir.”

Ce n’est donc pas pour rien qu’à l’origine le maire, Édouard Herriot, n’était franchement pas enthousiaste à l’idée de lancer sa ville dans une nouvelle exposition. Pourtant, une fois convaincu, il va se révéler moteur de l’événement, prenant le pouvoir sur l’organisation et surtout décidant qu’il ne s’agirait pas d’une exposition universelle, mais bien “urbaine et internationale”. L’homme décide de s’entourer des figures emblématiques de la ville à l’époque : Jules Courmont, professeur d’hygiène à la faculté de médecine, Louis Pradel*, vice-président de la chambre de commerce, et Tony Garnier, l’architecte à qui ont été commandés en 1906 les abattoirs de la Mouche, lieu central de la future exposition.

* Il ne s’agit pas ici de celui qui fut maire de Lyon de 1957 à 1976, mais d’un homonyme né en 1863 et mort en 1944.

La ville idéale selon Herriot

Lyon, berceau de la médecine, se doit de montrer au monde entier à quoi doit ressembler la ville hygiéniste parfaite. La tuberculose est alors loin d’avoir disparu dans la cité, notamment dans les rues du Vieux-Lyon. Édouard Herriot inscrit l’exposition dans la modernité en choisissant les termes internationale et urbaine, mais surtout en optant pour une organisation pilotée par la Ville.

“Lyon centre du monde”, capture d'écran de la simulation 3D © Studio Le Mog/Musées Gadagne

“Lyon centre du monde”, capture d'écran de la simulation 3D © Studio Le Mog/Musées Gadagne

L’événement se transforme en vitrine à la gloire de l’Administration et de l’hygiénisme rêvé par la municipalité. Plus de 800 stands sont consacrés à ces deux thématiques, renforcés par un symbole de taille, celui de la victoire triomphante de la science et de l’architecture sur la gravité : le Grand Hall Tony-Garnier. Plans, photos, dessins et gravures d’époque montrent comment la halle était alors envahie par les prouesses de l’industrie locale. Lyon était le centre du monde et comptait bien plaire à tous les regards pointés sur elle. Mais l’histoire va en décider autrement.

Le pavillon allemand : tout un symbole

“Lyon centre du monde”, capture d'écran de la simulation 3D © Studio Le Mog/Musées Gadagne

© Studio Le Mog/Musées Gadagne

À côté de la halle, 17 000 m2 sont occupés par les nations étrangères, dans des bâtiments génériques aux allures de décors de cinéma. Dominant tous les autres de son immense dôme noir, celui de l’Allemagne est l’autre attraction de l’exposition de 1914. Les dessins du projet présentés aujourd’hui à Gadagne sont lourds de sens et de symbolique. Étudiés avec notre siècle de recul, ils nous rappellent la volonté de domination d’une Allemagne qui cherche même à s’imposer à Lyon en 1914.

Mais, le 1er août, la guerre éclate. Cinq jours plus tard, les pavillons de l’Allemagne et de l’Autriche sont fermés et les marchandises saisies. L’exposition ne sera officiellement clôturée que le 11 novembre, mais au fil des semaines les artères se vident. Ce ne sont pas des attractions aux allures de simulacre qui pourraient éviter cette désertion.

En effet, les divers pavillons étaient complétés par des zones témoignant des pratiques d’un autre temps, à l’image du Village alpin ou de l’exposition coloniale et son zoo humain. Là, des Sénégalais “jouaient” les comportements que l’on attendait d’eux. Une attraction que l’on pourrait juger aujourd’hui malsaine, mais qui à l’époque était incontournable. Sur ce dernier aspect, on regrettera que le musée Gadagne se soit montré trop timide. Le peu d’espace réservé à ce sombre pan est insuffisant et surtout mal pensé. Placé à côté de la reconstitution en 3D de l’exposition de 1914, il en deviendrait presque invisible. Il faut dire qu’il est difficile de faire le poids face à l’excellente idée qui sublime l’événement de Gadagne.

La 3D sublime l’expo

Comment donner une idée de 75 hectares d’exposition dans une centaine de mètres carrés au sous-sol des musées Gadagne ? Les traditionnels plans, cartes postales, affiches (ici très bien sélectionnés et formant un ensemble cohérent) ne suffisent plus pour captiver les visiteurs. Gadagne innove en proposant la première reconstitution en images de synthèse 3D de l’exposition de 1914.

Réalisé par Laurent Antoine, du studio Mog3D, ce court-métrage de 13 minutes est un formidable voyage dans le temps qu’on ne se lasse pas d’admirer. Sous nos yeux, les bâtiments prennent vie en quelques secondes. L’initiative est aboutie, l’exposition sublimée et Gadagne trouve ici un support efficace et riche pour compléter sa scénographie. “Lyon, centre du monde !” est un rendez-vous réussi.

Lyon, centre du monde ! Jusqu’au 27 avril, au musée Gadagne, place du Petit-Collège, Lyon 5e.

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Cet article est un condensé de celui paru dans Lyon Capitale 729 (janvier 2014), avec l’interview de Laurent Antoine, concepteur de la reconstitution en 3D.
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