Dans les années 1980, il exposait à la Biennale de Paris et chez Daniel Templon, faisant même pleurer d’émotion Catherine Millet (eh oui !) devant une de ses œuvres. Avant que le milieu autorisé ne décrète la fin de la peinture. Patrice Giorda présente aujourd’hui à Lyon 47 toiles, une centaine d’esquisses, dessins, encres de Chine et pastels. Sa modernité est de continuer à peindre : “En trente ans, confie-t-il, ma peinture n’a guère changé, elle s’est approfondie.”
Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais d’un choix subjectif – qui laisse par exemple de côté ses portraits, qui lui ont posé tant de problèmes. “L’espace de la lumière” (titre de l’exposition présentée à l’hôtel de région), c’est la perpétuelle interrogation du peintre et de ses fondamentaux. Le sujet reste classique et narratif : l’histoire même de la peinture, avec Rembrandt et Velasquez. Et puis Lyon, de Bellecour aux “Lazos”, les souvenirs d’enfance, des paysages portugais ou vénitiens, la mythologie chrétienne, des bouquets, une chaise, une voile, la vague.
Pas de vivants, femme, homme ni animal. Les lieux sont obstinément clos. Les ciels sont bas et sombres, sinon lourds. Les chemins et les escaliers montent : pour basculer vers où ? L’important, dans la composition, ce sont ici les masses, plus évocatrices que directement figuratives. Et puis la couleur ! Parfois violente, virulente et stridente, saturée, en contrastes ; qu’elle soit attendue ou surprenante.
Nul puritanisme
Avec Patrice Giorda, la peinture chante, joue et vibre. Mais ce n’est pas du Boulez : nul puritanisme ni minimalisme ici. Mais de la chaleur, de la sensualité, du lyrisme, jusqu’à la moelle de sa pâte “croustillante”, comme aimait à dire le critique Jean-Jacques Lerrant. Jusqu’au silence également.
Bien qu’enfermé et sans vie humaine, l’espace créé est dynamique et n’a rien d’angoissant, ni de reposant d’ailleurs. La lumière sourd du fond. Le silence respire et appelle à la méditation ; à l’instar de cette stèle de Camus, à Tipasa, où Giorda pourrait comme lui inscrire : “Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure.”
Une œuvre tenace
L’“espace de la lumière” de Patrice Giorda se construit dans l’équilibre de toutes ces problématiques picturales et donc forcément conceptuelles ; au-delà du chaos des tourments profonds. Mais Giorda ne peint pas de façon tautologique. Ainsi, les ciels ne sont pas de tempête ou d’orage, et le cri de Munch n’est pas transposé. Il a bâti inéluctablement une œuvre tenace, affirmée, toute personnelle. En approche du Beau, sinon du bizarre.
Au moment du suicide, à 88 ans, du peintre Robert Duran (oublié et méprisé, comme tant d’autres, par tout un système), cette exposition démontre que la peinture est décidément immarcescible. Contemporaine et moderne, donc.
Quelle terrible nouvelle d'apprendre le décès de Robert Duran. Ses obsèques auront lieu à Charlieu lundi 18. Il faut respecter son choix, mais quelle perte… http://www.lyonpeople.com/les-gens/45705-2015-05-15.html