Proche de Grégoire Korganow. Mémorial de la prison de Montluc, 2022 © Bernard Brechet

Exposition au Mémorial de la prison de Montluc : si proches et si loin

Accueillant l’émouvant travail du photographe Grégoire Korganow sur l’univers carcéral, le Mémorial national de la prison de Montluc ouvre exceptionnellement l’ancien quartier de détention des femmes. Portraits, lettres et paysages tracent un parcours entre enfermement et désirs de vie.

Le Mémorial national de la prison de Montluc est aujourd’hui l’unique prison de France entièrement préservée et ouverte au public. Construite en 1921, elle fut fermée en 2009 et transférée en même temps que les deux autres prisons lyonnaises, Saint-Paul et Saint-Joseph, vers celle de Corbas.

Le bâtiment cellulaire est constitué de l’aile mémorielle consacrée à la période des années d’occupation allemande 1943-1944 et de l’ancien quartier de détention réservé aux femmes à partir de 1958.

Cet espace accueille l’exposition PROCHE de Grégoire Korganow dont les œuvres questionnent la prison et son évolution, son architecture et ses traces.

S’il travaille depuis de nombreuses années sur l’univers carcéral, il explore ici la politique de l’enfermement en France sans jamais montrer les prisons, les abordant dans le creux, entre l’intérieur et l’extérieur, s’intéressant aux zones de contact fragiles avec la cité que constituent les périphéries déshumanisées des “no man’s land” où elles sont désormais construites, aux liens ou l’absence de liens avec les familles, révélant la solitude et l’invisibilité des détenus et de leurs proches.


Une immersion au long cours


Grégoire Korganow a commencé à s’immerger dans ce projet en 2016 après avoir envoyé 500 lettres à des détenus leur demandant d’écrire autour du thème “À quoi rêvez-vous ?”.

© Bernard Brechet

Au travers des 150 réponses, il découvre leurs cauchemars, leurs désirs, la privation de liberté. Il donne à voir ces lettres sur les murs de la prison, demandant également à des anonymes de les lire face caméra pour qu’elles soient relayées sur les réseaux sociaux.

Une salle est ainsi consacrée à ces vidéos qui sont – à travers les voix bouleversantes des lecteurs et la force des mots écrits dans l’intimité des cellules – des moments poignants de l’exposition.

La déambulation sur trois étages nous amène à rencontrer, tant dans les cellules restées en l’état que dans les coursives, des traces de dessins, des posters et les portraits que l’auteur a réalisés à la prison de Strasbourg.

La série intitulée “L’instant d’après” saisit de manière spontanée et sans artifice de lumière un père, un frère, une femme, un ami à la sortie des parloirs. Elle évoque ici toutes ces personnes dont on ne parle jamais, qui taisent l’incarcération d’un proche, butant sur la complexité du système pénitentiaire pour accéder à un parloir.

Conçue par Bernard Bréchet, la scénographie évite l’écueil d’une prison qui ne serait qu’une salle d’exposition. Elle crée une interconnexion constante entre le travail de l’artiste et le lieu, proposant au citoyen de se questionner sur ce qu’est une prison, qu’il découvre aussi avec tous ses sons.

Le titre PROCHE évoque l’intimité des êtres et des cellules, l’éloignement des prisons du centre-ville, mais aussi le fait que Grégoire Korganow ne pouvait plus réaliser ses photos dès lors qu’il n’entendait plus les bruits, qu’ils provinssent du dehors ou du dedans. Impressionnante, l’exposition résonne profondément en nous par la fragilité que révèle son travail, confrontée à la puissance évocatrice du lieu !


PROCHE de Grégoire Korganow – Jusqu’au 10 décembre – Mémorial national de la prison de Montluc, Lyon 3e – Entrée gratuite.


 

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