CRITIQUE – Aux Célestins, la future patronne du théâtre des Clochards-Célestes, Louise Vignaud, propose une mise en scène virevoltante et réussie de la pièce de jeunesse de Georges Feydeau Tailleur pour dames.
En juillet prochain, Louise Vignaud succédera à Élisabeth Saint-Blancat à la direction du théâtre des Clochards-Célestes, petite salle des pentes de la Croix-Rousse. Ce qui devrait lui permettre de peaufiner ses mises en scène avec sa compagnie La Résolue. On ne peut que s’en réjouir, tant cette jeune femme fait preuve de maîtrise et de talent dans ses créations.
Le goût des classiques
Formée à l’Ensatt (École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre) à Lyon, Louis Vignaud a gardé de son enfance le goût des classiques que sa grand-mère l’emmenait voir à la Comédie-Française. Après avoir obtenu son diplôme, elle a assisté des grands noms de notre théâtre comme Michel Raskine, Claudia Stavisky, Christian Schiaretti ou Richard Brunel.
Ce qui lui a donné le carnet d’adresses pour travailler avec des acteurs comme Marief Guittier, Thomas Rortais, Clément Morinière ou encore Charlotte Villalonga que l’on retrouve sur la scène de la Célestine (la petite salle des Célestins) dans sa mise en scène de Tailleur pour dames. Au contact de ces grands metteurs en scène, elle a sans doute pris aussi le goût d’un travail impeccablement huilé, où tout s’enchaîne sans fausse note.
Conte de la folie adultère
Cette maîtrise et cette exigence, Louise Vignaud parvient à les conserver dans sa version de la pièce de jeunesse de Georges Feydeau Tailleur pour dames. Ce qui constitue un petit exploit, tant l’œuvre bascule crescendo vers une folie totale.
C’est le propre du génie de Feydeau que de faire dériver les situations d’une façon aussi implacable que désopilante. Ainsi les mensonges deviennent-ils de plus en plus “hénaurmes”, jusqu’à crever comme des baudruches dans un paroxysme comique. Les situations jouent de l’art du quiproquo au point que le spectateur ne sait littéralement plus où il en est, comme s’il faisait un rêve où l’absurde côtoie sans cesse la réalité.
À partir d’un argument simplissime, un médecin qui a passé la nuit dehors à la recherche d’une bonne fortune invente un baratin pour se justifier auprès de sa femme, ce qui entraîne un autre mensonge, qui en entraîne un autre, etc. Le tout est savamment compliqué à chaque apparition d’un nouveau personnage venant consulter le docteur adultère, personnages qui doivent s’intégrer à ses fables.
Précision de la mise en scène
On le comprend très vite, c’est un festival de moments abracadabrantesques qui s’organise sous nos yeux. Le plaisir que l’on en éprouve tient évidemment à la virtuosité du texte, mais aussi à la façon dont cette partition est servie par la précision de l’interprétation et de la mise en scène. Celle-ci est menée au cordeau, dans un décor à la fois simple et ingénieux qui permet moult trouvailles et astuces scénographiques. Le jeu savant des lumières s’associe à merveille avec la partition sonore et musicale, jouée en direct. L’ensemble concourt à nous amener dans un monde quasiment surréaliste.
Au-delà du rire inextinguible, une réflexion nous vient sur ces personnages devenus des pantins s’agitant pour échapper à l’ennui de leur vie sans relief : sont-ils si différents de nous ?
Georges Feydeau / Tailleur pour dames
Jusqu’au 28 janvier (du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 15h30 et 20h30 et le dimanche à 16h30, au théâtre des Célestins.
Ce lundi 23 janvier, jour de relâche, une conférence sur Feydeau a lieu au théâtre, thème : “Tailleur pour dames, comédie ou vaudeville ?” La conférence sera animée par Olivier Bara, professeur de littérature à l’université Lyon 2, spécialisé dans les scènes théâtrale et lyrique du XIXe. Entrée gratuite, sur réservation par courriel. |