Le théâtre de la Croix-Rousse propose quatre soirées où seront à l’affiche deux spectacles consacrés aux liens franco-algériens.
L’emprisonnement en Algérie de Boualem Sansal, – écrivain d’origine algérienne qui a choisi la nationalité française – au motif qu’il ose critiquer le gouvernement algérien actuel et le peu d’écho de l’autre côté de la Méditerranée, quand ce n’est pas une franche hostilité, qu’a reçu Kamel Daoud, également écrivain franco-algérien, après l’obtention du prix Goncourt cette année (pour son roman Houris)… Voilà deux événements – littéraires – récents qui montrent combien les tensions demeurent entre les deux pays. Et nul n’est mieux placé que ceux qui ont une double appartenance, à ces deux cultures, pour en témoigner. C’est en tout cas le pari que fait le théâtre de la Croix-Rousse en programmant le spectacle de Yasmine Yahiatène, La Fracture, et celui de Salim Djaferi, Koulounisation (que l’on avait vu aux Célestins en octobre 2022), en une sorte de diptyque, du 21 au 24 janvier.
Avec La Fracture, Yasmine Yahiatène se lance dans une quête d’elle-même, de son passé. Elle revient sur sa relation, complexe et ambivalente, avec son père. Elle partage la scène avec des vidéos granuleuses tirées de ses archives familiales. Elle n’hésite pas à poser la question qui fâche : “Papa, tu sais quels sont les points communs entre l’Algérie et l’alcool ? J’en ai trouvé trois : la honte, le tabou et le silence.” En revisitant ses origines algériennes et l’alcoolisme de son père, elle tisse des liens entre ces deux sujets sensibles et entame un travail de résilience intime et collective. Salutaire !
Pour ce qui concerne Salim Djaferi, c’est la langue de la colonisation et de la guerre d’Algérie, de part et d’autre de la Méditerranée, qu’il place au cœur de son spectacle Koulounisation. En véritable artiste-chercheur, il se penche sur les mots qui construisent la mémoire et l’Histoire ; leurs significations, leurs usages. À l’aide de photos, de ficelles et de matériaux de construction, il rend tangible la question, ô combien conflictuelle, de l’occupation de l’espace. Avec un humour imparable.
La Fracture et Koulounisation – Du 21 au 24 janvier au théâtre de la Croix-Rousse