À l’occasion des Assises internationales du roman, nous avons interrogé* Frédéric Beigbeder sur le paysage littéraire d’aujourd’hui. Son dernier ouvrage y incitait, puisqu’il s’agit d’un recueil d’entretiens avec de grands écrivains actuels. Entretien.
Lyon Capitale : Quel est votre regard sur les manifestations littéraires en général ?
Frédéric Beigbeder : Quelquefois, c’est juste un prétexte pour boire avec des collègues. Quelquefois, cela permet d’avoir des conversations intéressantes avec des lecteurs. C’est le seul moment finalement où un auteur voit le visage de ses lecteurs, et réciproquement.
Et les Assises ?
C’est différent des salons du livre classiques. Cela va au-delà de l’aspect promotionnel, contrairement à certains salons où l’on se retrouve comme des poissons sur un étal. Je l’ai vécu alors que je n’avais pas encore du succès, on se sent très seul… Là, ça fait longtemps que je n’ai pas publié et ce sera une parenthèse agréable. C’est le moment de réfléchir à des questions comme : qu’est-ce que la littérature ? Pourquoi écrire ? Ce genre de questions qui taraudent les écrivains. Le moment est bien choisi de se réunir avec d’autres auteurs sur ce type de questionnements. Il y a beaucoup de raisons d’être inquiet pour les livres actuellement.
Quelle est la place de votre travail critique par rapport à celui de romancier ?
J’ai toujours une curiosité pour ce qu’écrivent mes contemporains. Avant même de publier mon premier roman, j’écrivais des critiques. Pour moi, lecture et écriture sont indissociables. Il n’y a pas de littérature ex nihilo. Je rêverais d’être quelqu’un d’érudit qui ne lit que des classiques ou de vieux grimoires. Mais j’ai besoin de lire tout ce qui s’écrit en France, en Allemagne, en Chine, aux États-Unis… C’est un peu comme une drogue. J’ai l’impression que je ne m’en lasserai jamais. C’est une chose miraculeuse que de recevoir tous les jours une dizaine de bouquins dans sa boîte à lettres. Je ne suis pas blasé de ce luxe.
Ces Assises du roman ont été ouvertes par Salman Rushdie lundi…
C’est un monstre sacré. Et c’est un grand honneur que d’être invité à la même manifestation que lui. J’ai été particulièrement impressionné par son livre Joseph Anton, où il raconte sa vie dans la clandestinité avec la fatwa qui pèse sur lui. Il montre comment l’humour, le courage peuvent vaincre la bêtise.
N’avez-vous pas l’impression que votre surface médiatique masque la qualité de vos livres ?
Il est possible que cela crée un obstacle pour une lecture sereine chez certaines personnes. À l’étranger, je n’ai pas ce problème. Pour mon dernier film [L’Idéal, NdlR], les critiques qui n’ont pas aimé ne parlaient pas du film mais de moi… C’est un dommage collatéral du fait d’avoir voulu déconner dans les médias. Mais Un roman français a eu quand même le prix Renaudot. Il a touché les gens de ma génération ; je suis né dans les années 1960, celle dont les parents avaient envie de s’amuser, parfois au détriment de leurs enfants.