Funny People, de Judd Apatow

George Simmons (Adam Sandler), comique star et misanthrope, apprend qu’il est atteint d’une leucémie. Il engage alors Ira Wright (Seth Rogen), un apprenti stand-upper, pour lui servir à la fois de nègre, d’assistant et d’ami et l’aider à traverser cette épreuve qui s’accompagne d’une crise existentielle bien salée.

Disons le tout net, Apatow est l’Orson Welles de la comédie américaine. Réalisateur de 40 ans toujours puceau et d’En Cloque Mode d’emploi, il est aussi le scénariste et/ou producteur, de Supergrave, Frangins Malgré eux et une pelletée d’autres drôleries ayant contribué à renouveler le genre comique. Funny People, sa troisième réalisation, est déjà la somme de toutes les autres, s’autorisant même une certaine gravité derrière ce titre en trompe l’œil. Soit une comédie sur les coulisses de la comédie, à hauteur de ceux qui la font. Stars en voie d’extinction comme George Simmons, jeunes loups sans, mais aussi avec, scrupules ou vedettes de sitcoms un peu moisies, ces Funny People donneraient leur vie pour une vanne, trop conscients qu’ils sont que c’est justement là leur unique moyen de survie, au-delà de toute considération matérielle. Jusqu’à ce qu’ils se rendent compte au hasard d’une épreuve, d’une rencontre, d’un problème de globules blancs, que la vie, la vraie, est peut-être ailleurs.

Real Love

C’est là que Funny People, qui cheminait jusque-là au rythme jazzy des bons mots qu’on décoche en bout de chaîne, prend un virage étonnant. Quand Simmons, malade d’amour autant que malade tout court, tente de reconquérir son ex (la belle et lisse Leslie Mann), une housewife désespérément bien mariée à un businessman australien dont elle a deux têtes blondes. Chez n’importe quel autre cinéaste on peinerait à cerner l’enjeu de cette embardée dans la comédie romantique. Sauf qu’on est chez Apatow et que ce film met Apatow en abyme. Apatow qui déclare sa flamme à sa femme (Leslie Mann est son épouse dans la vie), Apatow qui fait l’apologie de la vie de famille (les deux fillettes sont aussi les siennes), Apatow qui prône la fidélité. C’est d’ailleurs là tout le sel, paradoxal, et le fil rouge de ses comédies : mettre en scène des grands gamins que le sexe obsède entre deux concours de pets, mais qui n’aspirent en réalité qu’à une vie rangée, une femme trop belle et des enfants trop choux. Des types comme Simmons qui, quand ils ne baisent pas des groupies, chantent fiévreusement cette frissonnante guimauve posthume des Beatles baptisée… Real Love. Cinéaste du passage (difficile) à l’âge adulte, c’est cet éternel conte moral à l’américaine que ressasse de film en film Judd Apatow, ce « people » pas si « funny » que ça.

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