Olivier et Romain Houg
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Galerie Houg : “Il y avait plus de risque à rester à Lyon”

Fini la rue Auguste-Comte, au revoir Lyon : le 10 janvier dernier, le galeriste lyonnais Olivier Houg inaugurait son nouvel espace rue Saint-Claude, à Paris. Il explique les raisons de ce déménagement à Lyon Capitale.

Lyon Capitale : Qu’est-ce qui a motivé votre départ ?

Olivier Houg : En 2007, on s’est installé à Confluence, alors qu’il n’y avait encore personne. Avec Verney-Caron, nous étions les seuls occupants du quai. Nous avions beaucoup cru en cet endroit. On nous avait dit qu’il y aurait beaucoup d’activités culturelles dans le quartier. Et force a été de constater qu’au bout de six ans, au moment du renouvellement du bail, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait baisse de la fréquentation et une augmentation des frais trop importante pour une structure comme la nôtre.

Donc, en 2013, nous nous sommes rabattus sur le centre-ville de Lyon, rue Auguste-Comte, dans un plus petit local. Et puis nous avons eu une opportunité à Paris, dans le Marais, rue Saint-Claude, qui concentre de très bonnes galeries. Aller à Paris n’est pas une idée nouvelle pour moi. J’y pensais déjà depuis une dizaine d’années. En 2007, je voulais déjà m’y installer, mais Confluence avait retardé le projet.

Quelles ont été les déceptions à la Confluence ?

Ce n’est pas uniquement Confluence, c’est général à la province. Le fait d’être allé à Auguste-Comte n’a rien changé. Pour un certain type d’art contemporain, celui que je défends depuis une quinzaine d’années, il faut être clair, il y a une aspiration de l’attention de tous les publics (collectionneurs, visiteurs, journalistes, directeurs de centres d’art et institutionnels de l’art contemporain et galeristes étrangers) à Paris. Lyon, comme toutes les autres villes de province, ne peut aujourd’hui se prévaloir de pouvoir offrir des possibilités suffisantes à une galerie d’art contemporain comme celui que je défends pour pouvoir exister.

Quel type d’art contemporain défendez-vous ?

Celui qu’on appelle d’avant-garde, plutôt pointu, qui ne touche pas tous les publics très facilement, le même que celui défendu par l’IAC, la BF15, ou encore la Salle de Bains. Nous défendons des artistes qui ont en dessous de la quarantaine, dits émergents ou en voie d’être confirmés, qui sont tous des artistes internationaux y compris les Lyonnais que je montrais dans les foires à l’étranger, en Europe ou aux États-Unis. Cette forme d’art, commercialement, a du mal à vivre à Lyon, mais pas moins à Lyon qu’ailleurs en province. Les collectionneurs lyonnais de l’art que je défends ont changé de comportement.

Depuis une quinzaine d’années, et même depuis cinq ou six ans avec Internet, l’attraction des foires d’art contemporain et le retour de Paris comme place privilégiée sur le plan national et international, les choses ont beaucoup changé. Les collectionneurs lyonnais qui venaient me voir régulièrement, avec lesquels nous avions des relations de confiance et de fidélité, venaient moins souvent et allaient à Paris le week-end ou aux grandes manifestations. Évidemment, nous, seuls ou presque tout seuls à Lyon, n’arrivions pas à capter l’attention. Nous ne comptions plus suffisamment de clients pour faire vivre une galerie dite commerciale. Les quelques nouveaux collectionneurs que nous arrivions à former, très vite, étaient attirés par Paris ou d’autres places fortes à l’étranger. Quand je vais à Londres pendant la Frieze Art Fair, je croise des gens de Lyon au milieu des stands ! Les collectionneurs étrangers viennent à Lyon uniquement au moment de la foire d’art contemporain que j’ai créée, Docks Art Fair, qui a lieu au début de la Biennale d’art contemporain.

La visibilité pendant la Biennale n’était pas suffisante ? Il n’y avait pas de retombées en termes d’achat ?

On rencontre des collectionneurs à l’inauguration de la Biennale et pendant Docks Art Fair. C’est tout. Après, il faut attendre deux ans. Donc, ça n’est pas suffisant. Si les collectionneurs que je touche à l’étranger, quand je participe aux foires à Paris, ne viennent pas me voir à Lyon parce que je suis à Lyon, et qu’il n’y a pas assez d’offres pour eux dans ce domaine, je préfère aller à eux et leur proposer le même type de programmation, le même type d’artistes, mais dans un local parisien où on les touchera plus facilement. En particulier la presse spécialisée, qui ne vient jamais à Lyon, sauf au moment de la Biennale. Nous avons ouvert le 10 janvier, nous avons déjà des relais dans la presse au niveau national.

Les institutions lyonnaises achetaient-elles des artistes de votre galerie ?

Nous avons été achetés par la Ville de Lyon (peut-être trois œuvres en dix ans), le Fnac [Fonds national d’art contemporain] et par des Frac [fonds régionaux d’art contemporain] d’autres régions. Mais, je ne sais pas pourquoi, le Frac Rhône-Alpes ne nous a jamais acheté.

“Je n’ai jamais vu la couleur de votre argent et maintenant vous vous plaignez !”

Vous prenez un risque en vous installant à Paris : plus de concurrence, pléthore d’expositions, des loyers plus chers…

Non, il y avait plus de risque à rester à Lyon ! Le loyer n’est guère plus cher qu’à Lyon (20 % de plus par rapport à ce que l’on payait rue Auguste-Comte). Et puis, en termes de fréquentation, dans une journée, il peut passer environ 80 personnes. À Lyon, quand il en passe 12 par semaine, c’est fantastique. Vous voyez la différence. Le calcul est vite fait. Nous avons besoin de vendre, parce que nous sommes une structure dite commerciale, de payer les artistes et la Maison des artistes qui est la sécurité sociale des artistes. Je fais ce métier depuis presque vingt ans à Lyon. Je ne crois pas que nous puissions arrêter une aventure comme celle-ci. Avec mon fils Romain, lorsque nous avons réfléchi en septembre à l’opportunité qui était présentée à Paris, nous l’avons saisie.

Le fait d’être à Paris simplifie les choses pour approcher des artistes étrangers, ce que nous faisions déjà avant. Mais j’ai souvent été en contact avec des artistes étrangers ou français au moment où ils étaient en train d’émerger, et lorsque je leur proposais de travailler avec nous à Lyon, ils refusaient. Ça ne les intéressait pas d’exposer à Lyon, ils préféraient montrer à Paris. C’est sûr que la donne va changer maintenant. Être présent physiquement dans un réseau, ça change tout également. Le soir du vernissage, il y a eu environ 500 personnes. Nous avons fait des ventes, les gens ont découvert le travail d’Aurélie Pétrel, une artiste de Lyon que nous avons exposée dès sa sortie des beaux-arts. Les artistes que je représente sont très contents de ce déménagement. Pour eux, c’est une façon de capter un autre public, de faire des choses différentes.

Continuerez-vous à suivre l’activité artistique lyonnaise ?

Oui, bien sûr. Mon fils prend la direction de la galerie, mais moi, je reste à Lyon. J’ai des relations privilégiées avec les beaux-arts de Lyon. Au vernissage du 10 janvier, Emmanuel Tibloux, son directeur, était présent. J’aimerais tisser des liens encore plus proches, en imaginant une espèce d’antenne des activités lyonnaises et les montrer en avant-première. Pour la galerie, le déménagement n’est pas du tout négatif.

À Lyon, beaucoup de gens m’ont dit : “Comment se fait-il que vous partiez ? Comment allons-nous faire ?” Je leur ai répondu : “Je n’ai jamais vu la couleur de votre argent et maintenant vous vous plaignez !” (Rires.) Une galerie est un endroit où on entre librement et gratuitement, on l’on peut voir des œuvres sans jamais rien acheter, il n’y a aucun problème. Mais, si jamais personne n’achète, forcément, ça pose problème. Nous sommes toujours organisateurs de Docks Art Fair, nous allons donc continuer. Peut-être que nous entraînerons dans notre sillage davantage de galeries parisiennes là-bas.

Nous gardons de très bonnes relations avec les collectionneurs et institutions lyonnaises, avec qui nous avons fait plein de choses, mais nous ne pouvions pas rester à Lyon. Financièrement et en termes de visibilité, on restait bloqué. Soit on continuait cette situation, à faire toujours la même chose, avec des hauts et des bas, soit on passait un cap. Notre idée n’est pas de grossir, on n’en a rien à faire de devenir une méga-galerie ! Notre problème, ce n’est pas notre ambition, mais c’est de pouvoir continuer à faire ce métier comme je le fais depuis presque vingt ans et dans de bonnes conditions.

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