Sur scène, la rockeuse Patti Smith et le pape de la musique répétitive Philip Glass, pour une lecture musicale de l'œuvre du membre fondateur de la beat generation.
A première vue, il semble que Patti Smith et Philip Glass, pourtant tous deux musiciens, n'aient pas grand-chose en commun. D'un côté la poétesse instinctive, de l'autre le génie cérébral de la musique répétitive. Outre le rock (Glass étant aussi connu pour ses travaux sur et avec David Bowie et Brian Eno), ils ont pourtant un point commun de taille : l'influence exercée sur eux par l'œuvre du poète Allen Ginsberg, auteur avec le poème Howl (1956) du manifeste poétique de la génération beatnik. Smith parce qu'elle a toujours œuvré dans l'ombre des grands poètes vagabonds incubateurs de l'esprit rock, de Rimbaud à la beat generation. Glass parce qu'il a joué souvent avec Ginsberg, accompagnant ses lectures au piano et concevant avec lui l'opéra Hydrogen Jukebox. Les deux veillèrent sur son lit de mort celui qui était devenu leur ami, emporté par un cancer du foie. Assez logiquement, ils revisitent aujourd'hui son œuvre.
C'est un an après le décès du poète en 1997 que Smith et Glass ont commencé à façonner ce spectacle, baptisé Footnote to Howl et conçu comme un hommage. A Ginsberg bien sûr, mais aussi au rapport intime, quasi physique, que celui-ci a toujours entretenu avec l'œuvre poétique. C'est que l'œuvre de Ginsberg, à commencer par Howl, son mythique et scandaleux point de départ, a contribué à révolutionner en la désenclavant le geste poétique : œuvre de l'oralité davantage que de l'écrit, dans l'usage des mots, le recours à l'obscénité et la prosodie psychotrope. Une poésie faite pour être dite et ressentie (Ginsberg a beaucoup expérimenté le rapport de la poésie au LSD et autres drogues de la perception) avant d'être lue. Les lectures de Ginsberg lui-même, devant des parterres de beatniks, d'universitaires, puis de hippies enamourés, étaient bien plus prenantes que le simple agencement des mots sur une page trop plate pour eux. La voix du poète, grave et transcendantale, y était pour beaucoup, son débit quasi orgasmique également. Interprète de talent, Patti Smith, sait rendre dans une approche très différente, leur saveur et leur musicalité aux textes de Ginsberg. La musique de Glass, elle, lui injecte la dose d'hypnose nécessaire à l'apparition d'une douce transe qui accompagne la rythmique inégalable des textes de Ginsberg. Dans le premier vers de Howl, Ginsberg supposait que les plus grands esprits de sa génération seraient détruits par la folie*. Les générations qui ont survécu à Ginsberg montrent que la folie du poète de Newark est, elle, toujours bien vivante.
*"I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked (...) ". Howl (1956).
Hommage à Allen Ginsberg : Footnote to Howl - The Poet Speaks, par Patti Smith et Philip Glass. Mardi 30 juin au théâtre antique de Fourvière, Lyon 5e. 04 72 32 00 00.
Les commentaires sont fermés