Halal Police d'Etat : Eric et Ramzy dadas du Bled

Sans queue, ni tête, la comédie policière d'Eric et Ramzy est un joyeux bordel qui superpose les gags navrants et désosse la langue avec une énergie très communicative. Et un sens de l'absurde qui confine au dadaïsme.

Connaissant Eric & Ramzy et leur culte de la vanne pour la vanne, on ne peut imaginer qu'Halal Police d'Etat* ne trouve son origine ailleurs que dans la trouvaille satisfaite d'un jeu de mots certes assez génial dans le contexte actuel. Le reste, à un tel niveau de potacherie, n'avait guère plus d'importance qu'une usine à gags et un immense terrain de jeu où il s'agirait d'appuyer au passage les travers conjugués de la France et de l'Algérie. Voilà donc une improbable histoire de tueur d'épicier arabe que deux flics algériens viennent tenter de débusquer à Paris en soutien de leurs homologues français. De l'inspecteur Nehr-Nehr, un « super » flic notoirement incompétent aux déductions fumeuses (mais guère plus que ses collègues français), Ramzy fait une sorte de panthère rose qui doit autant à l'inspecteur Clouseau qu'à l'animal de dessin animé qui naquit du film éponyme. Quant à son acolyte le Kabyle (Eric), c'est un chauve non assumé (avec rabat de cheveu) qu'une abduction extra-terrestre a rendu orphelin de son accent algérien (!). L'occasion pour Eric et Ramzy de se livrer à leur petit jeu favori : le malaxage de la langue, le jeu et l'importance des accents, la décomposition verbale, et les inventions sémantiques que tout cela génère. Un art qui les révéla notamment aux travers des "Mots d'Eric et Ramzy" une série de sketches où le duo décapait les définitions de mots réputés imbitables et imprononçables comme "péridurale", "oesophage" ou "philatéliste".

73e degré

De la même façon que leurs sketchs sont sans cesse pollués par des digressions, tics et autres hoquets d'élocutions, ici c'est tout le film qui se trouve piqué de ce genre de facéties mais aussi de références multiples (dont un hommage à Psychose), le déviant sans cesse de sa ligne directrice, le scénario, jusqu'à le faire disparaître. Résultat, le film apparaît sans queue ni tête mais il conserve cette étrangeté, cette poésie qui a toujours animé les films de ou avec Eric et Ramzy (Steak, Seuls Two, La Tour Montparnasse Infernale, Double Zéro) : une sorte de jubilation enfantine à rire de tout, longtemps, jusqu'à la mort de la vanne sous les yeux du public mi-gêné mi-mort de rire. Car puisque les gens comprennent de moins en moins le 2e degré, Eric et Ramzy creusent jusqu'à au 73e, là où se trouve l'absurde le plus pur (un Chinois nommé Matthieu Cohen, un blond expulsé d'Algérie qui hurle "Mais puisque je vous dis que je suis Algérien". L'absurde, le feu d'artifice dada, l'art consommé du bide assumé et annoncé sont bien le territoire d'Eric et Ramzy, rois du gag qui se vautre mais n'en reste pas moins signifiant. Là où Rien à Déclarer de Dany Boon auquel on ne peut s'empêcher de le comparer, n'est que "beauferie" creuse et nostalgie vieille France, Halal Police d'Etat souffre sans doute de son trop plein. Mais ce joyeux bordel là est autrement plus jouissif et révélateur d'une toute autre vision de la société.

*En référence pour les plus jeunes à Hawaïï Police d'Etat, une vieille série à mèche et tergal des années 70 au célèbre générique.

Halal Police d'Etat de Rachid Dhibou

En salles.

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