© Communautes Europeennes – 1983

Histoire de Lyon : l’autre Collomb

Si le Lyon moderne a commencé pour certains avec Noir, il fut un temps où un autre Collomb, Francisque, était “roi” de la ville impulsant de nombreux projets encore d’actualité dans le quotidien des citoyens. Originaire de l’Ain, il est resté maire pendant douze ans, marquant la ville de son empreinte, pour finir éclipsé par d’autres.

Lorsqu’on parle Collomb en 2019, c’est “Gérard” qui fuse. Pourtant, bien avant lui, un autre Collomb a dirigé la ville, impulsant plusieurs projets qui aujourd’hui font partie du quotidien des Lyonnais. S’ils partagent le même nom et ont pu débattre ensemble alors qu’ils briguaient la mairie dans les années 80, les deux Collomb n’ont aucun lien de parenté. Francisque est né le 19 décembre 1910 à Saint-Rambert-en-Bugey dans une famille très modeste, où la valeur du travail avait son importance. Adolescent, il échange avec le grand-père du futur homme politique Charles Béraudier (1920-1988) qui lui conseille d’aller tenter sa chance à Lyon. À l’âge de 18 ans, il se rend donc en ville où il enchaîne les petits travaux. À 35 ans, il achète l’entreprise de gravure chimique Chimicolor puis va se lier d’amitié avec son voisin de palier, le romancier Frédéric Dard. Lui aussi originaire de l’Ain, Charles Béraudier est l’ami de tous les instants, plus jeune de 10 ans, Francisque Collomb le considère comme un mentor. Il lui fera rencontrer le général de Gaulle et lui donnera le goût de la politique lyonnaise (lire plus bas).

En 1959, Charles Béraudier occupe le poste d’adjoint aux finances à la ville de Lyon. Pris par ses activités politiques nationales, il demande à Francisque Collomb, élu conseiller municipal la même année, de le suppléer. Ce dernier finira par accepter, sans abandonner ses activités industrielles qui lui tiennent toujours à cœur. Collomb reste un politique issu du monde économique, c’est sa force et sa faiblesse dans un monde où les professionnels de la chose publique monopolisent encore les places les plus chères. Mais la capitale des Gaules est aussi une ville d’entrepreneurs, en 1963, il devient vice-président de la Foire de Lyon, avant d’accéder à la présidence en 1970. Entre-temps, il est élu adjoint au maire du 6e arrondissement en 1965, puis sénateur du Rhône en 1968 (mandature qu’il occupera jusqu’en 1995). Discret, Francisque Collomb rencontre définitivement son destin le 5 décembre 1976. Louis Pradel est décédé le 27 novembre, le conseil municipal lui cherche un remplaçant parmi la multitude prête à se battre pour obtenir le graal. Finalement, sera choisi celui qui ne voulait pas devenir maire : Francisque Collomb.

Le maire des transports

Il n’ira pas à reculons pour la suite. Élu président de la communauté urbaine du Grand Lyon dans la foulée, il se présente aux municipales de 1977 qu’il va remporter. Francisque Collomb va impulser plusieurs projets qui sont aujourd’hui définitivement entrés dans l’histoire et ont modelé le visage de l’agglomération. En 1978, il inaugure les lignes A et B en présence du président Valéry Giscard d’Estaing, puis va continuer ce projet lancé par Louis Pradel avec le prolongement de la ligne B entre Part-Dieu et Jean-Macé (1981) et le prolongement de la ligne C entre Croix-Rousse et Cuire (1984). En 1976, l’ancêtre du Sytral imagine la construction d’une ligne entre Saint-Jean et Parilly, mais l’idée va être largement retardée pour des raisons budgétaires (on envisagera même pendant un temps un tramway pour réaliser le parcours). Il faudra attendre 1981 pour que le métro que nous connaissons sous sa forme actuelle soit enfin validé, et l’inauguration en 1991 (Collomb ne sera alors plus maire). La gare de la Part-Dieu, dont le dossier est validé en 1978 pour une ouverture en 1983, va contribuer à lui donner l’aura d’un maire des transports. Toujours en 1978, il lance la construction du nouveau pont Winston Churchill, inauguré en 1982.

Il contribuera également au rayonnement international de la ville avec l’arrivée du siège d’Interpol en 1989, à proximité d’un écrin tout trouvé : la Cité internationale. Celle-ci est construite à partir de 1984 par l’architecte Renzo Piano à la place des anciens bâtiments du palais de la Foire de Lyon. Collomb pense à tout, et lance en amont la construction du parc des expositions Eurexpo, fondé en 1984. Sur le plan de la culture et de l’éducation, ses plus grandes impulsions resteront le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon (1980), l’institut Lumière en 1982, le nouveau visage de l’opéra qu’il confiera à Jean Nouvel (1986-1993) et l’installation de l’École Normale Supérieure des Sciences à Lyon (1987). Enfin, autre héritage oublié, les Lyonnais lui doivent les couleurs italiennes des façades des quais de Saône avec des premiers ravalements dès le début de son mandat en 1976-1977.

En 1989, à l’âge de 79 ans et après douze années de règne sur Lyon, Francisque Collomb veut briguer un troisième mandat, mais la droite lui impose une primaire face à Michel Noir, jeune candidat qui a été ministre du Commerce extérieur sous le gouvernement Chirac. Balayé par le “nouveau monde”, Francisque Collomb retourne à la direction de son entreprise et si la ville tend à l’oublier rapidement face à un Michel Noir hypermédiatique, son empreinte sur Lyon traversera les décennies. Le 24 juillet 2009, il meurt à l’âge de 98 ans. Gérard Collomb salua alors la mémoire d’un homme “qui a largement amplifié le développement de la ville impulsé par son prédécesseur”. C’est peut-être ne pas lui rendre justice, car Francisque Collomb a su se démarquer de Pradel en mettant fin à la spirale du béton à outrance, apportant suffisamment à la ville pour que ne reste pas uniquement dans les mémoires que l’autre Collomb.

[Article publié dans Lyon Capitale n° 790 – Juillet-Août 2019]

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