Théâtre des Célestins © Christian Ganet 11 et 12 Mars 2014 © Christian GANET / PHOTOGRAPHE 18, rue du Paillet F-69570 DARDILLY Tèl:33(0)4 78 35 75 19 christian.ganet@orange.fr

Histoire et patrimoine lyonnais : 1871-1900, les débuts de la IIIe République

Fontaine de la place des Jacobins, théâtre des Célestins, préfecture… les édifices construits dans le dernier tiers du XIXe siècle à Lyon offrent une étonnante variété de styles. D’autres bâtiments ou vestiges plus méconnus témoignent aussi de cette époque : maison Valla, hôtel du Nouvelliste, plus petite maison de Lyon…

Les édifices incontournables 

De 1871 à 1900, une architecture de tradition se perpétue, employant souvent la pierre de taille. Elle se caractérise par l’opulence qui habille les façades dans un style éclectique allant du néo-Renaissance au néo-roman en passant par le néo-classicisme, souvent pompeux. La fin du siècle marque également le succès du fer.

• Le théâtre des Célestins
Ce grand théâtre à l’italienne présente une architecture riche, proche de celle de l’opéra de Paris. Il est construit par Gaspard André de 1872 à 1877, dans un style composite (néo-classique chargé). Il est assez typique de ces théâtres à l’italienne qui se multiplient en France dans la deuxième moitié du XIXe siècle.


• La fontaine des Jacobins
La place préférée de nombreux Lyonnais est célèbre pour sa fontaine, inaugurée en 1885. Réalisée en marbre blanc par Gaspard André, elle abrite quatre personnalités nées à Lyon, incarnant les arts du XVIe au XIXe siècle : Philibert Delorme (architecte), Gérard Audran (graveur), Guillaume Coustou (sculpteur) et Hippolyte Flandrin (peintre).
Fontaine des Jacobins © Tim Douet

• La préfecture
Construit par Antonin Louvier entre 1879 et 1890, l’imposant édifice à la façade en pierre de taille présente un néo-classicisme pompeux tournant à l’éclectisme. Il est l’affirmation des nouvelles structures de la IIIe République. Sous le Second Empire, les fonctions de préfet et de maire étaient confondues et exercées à l’hôtel de ville. Le décor, tant sculpté que peint, est opulent. L’escalier d’honneur à double volée est une copie de celui de l’opéra Garnier, à Paris.


• Les facultés
Quai Claude-Bernard, 7e
Entre 1890 et 1900, l’architecte en chef de la ville, Abraham Hirsch, dresse les bâtiments majestueux des facultés de l’époque. Le palais de l’Université est inauguré en 1896 par le président Félix Faure.

Université Jean Moulin Lyon 3. Façade du Palais de l'Université, 15 quai Claude Bernard © David Venier

• L’ancien théâtre Bellecour
85, rue de la République, 2e
Cet ancien théâtre, construit par Jules Chatron pour l’industriel et mécène Émile Guimet, est inauguré en 1879. Il présente une élégance quasi baroque avec son balcon aux courbes arrondies et ses statues de danseuses.

@ WilliamPham

• Basilique de Fourvière
8, place de Fourvière, 5e
L’édifice est érigé par Pierre-Marie Bossan de 1872 à 1896. Avec ses quatre tours crénelées, la basilique se présente comme une forteresse de la foi. Souvent décrite de style “romano-byzantin”, la crypte s’inspire de l’art roman tandis que l’église haute et la façade sont d’esprit gothique.

© Antoine Merlet

• Le grand temple protestant
3, quai Augagneur, 3e
Il est également l’œuvre de Gaspard André, grand architecte lyonnais de sa génération. Construit entre 1879 et 1885, il mêle les styles néo-roman et néo-byzantin.


• Villa Lumière
25, rue du Premier-Film, 8e
Construite entre 1899 et 1902, elle imite les châteaux de l’époque Renaissance mais les larges baies vitrées annoncent déjà l’Art nouveau.

© Jean-Luc Mège

• Les immeubles du quartier Grôlée, 2e
Le percement des rues Grôlée et du Président-Carnot remodèle ce quartier qui se voit doter d’immeubles haussmanniens : gigantesques façades alignées, en pierre de taille, balcons filants, moulures, corniches. Ces immeubles en vogue à Paris sous le Second Empire arrivent à Lyon dans le dernier tiers du XIXe siècle. Les anciennes Galeries Lafayette avaient été rehaussées de deux niveaux dans les années 1920 dans un style Art déco.

© Nadège Druzkowski

• Les grandes serres
Parc de la Tête-d’Or, 6e
Construites entre 1865 et 1880, elles abritent des plantes tropicales. Leurs formes audacieuses étaient très admirées en leur temps. Leur élan de cathédrale et leur taille sont toujours frappants. Les grilles en fer forgé de la porte des enfants du Rhône, dans le style du XVIIIe siècle, sont réalisées par Charles Meysson en 1900, lorsqu’il est décidé de clôturer le parc.

Grandes serres du parc de la tête d'Or @ William Pham

• La tour métallique
8, montée Nicolas-de-Lange, 5e
L’édifice de 1894 est une copie du dernier étage de la tour Eiffel en miniature. Érigé sur le point culminant de la ville, il sert aujourd’hui de support d’émetteurs de télévision. La tour comportait à l’époque un restaurant et un ascenseur permettant d’accéder à une plateforme avec une vue panoramique.

Tour métallique de Fourvière @ William Pham

• L’ancien hôtel du Nouvelliste
À l’ombre des platanes, l’immeuble du 14, rue de la Charité narre une histoire bien singulière. Il est construit en 1893 par l’architecte Malaval pour accueillir la rédaction du quotidien Le Nouvelliste.

Créé en 1879 par Joseph Rambaud, qui le dirigea pendant 40 ans avant qu’il soit repris par l’un de ses fils, ce journal conservateur et catholique a pour dessein de combattre l’œuvre de déchristianisation entreprise à Lyon dès le début des années 1870. C’est un concurrent du laïc Le Progrès.

© Nadège Druzkowski

Après l’invasion du sud de la France par les Allemands, alors que Le Progrès se saborde en novembre 1942, Le Nouvelliste, inconditionnel du maréchal Pétain et de son régime, poursuit une ligne résolument collaboratrice. Il sera interdit de publication à la fin de la guerre en raison de ses prises de position.

Le décor ornemental de l’immeuble, d’une grande richesse, fait appel au vocabulaire de la Renaissance : colonnes et pilastres corinthiens, motif du puits, souvent attribué à Philibert Delorme (galerie Bullioud) servant ici de dais à la statue de Jeanne d’Arc, frontons brisés à enroulement qui encadrent le lion héraldique de la façade… Point d’orgue de cette dernière : la statue de Jeanne d’Arc, de Paul-Émile Millefaut, installée en 1898, s’apprêtant à livrer bataille, l’épée levée en offrande à Dieu.

© BM Lyon
Clé d’arc formant un médaillon sous la statue de Jeanne d’Arc. Les deux lions dressés sur un globe tiennent le “N” du Nouvelliste.

Le coup d’éclat de la Résistance

Le 31 décembre 1943, Le Nouvelliste fait l’objet d’une opération menée de main de maître de la part de la Résistance. Au retour du défilé d’Oyonnax le 11 novembre 1943, Henry Jaboulay, Charles Mohler et Lucien Bonnet apprennent par la BBC qu’une fausse édition du journal Le Soir a été diffusée à Bruxelles. Ils rassemblent une équipe de résistants pour monter un faux numéro du Nouvelliste. Imitant au plus près la mise en page et la typographie du journal, 25 000 exemplaires sont imprimés dans l’atelier clandestin de la rue Viala. Pour la distribution de ce numéro, dont dépend le succès de l’opération, ils prétextent, comme c’était parfois le cas, une censure de dernière minute. À 5 h du matin, six voitures portant une vignette “service de presse” substituent auprès des véhicules de distribution, dont l’itinéraire a été soigneusement repéré les jours précédents, des paquets de faux numéros bardés de la mention “censure” aux vrais.

À 8 h, tout est terminé lorsque l’alerte est donnée ; les Lyonnais découvrent des informations chocs comme Raids massifs sur l’Allemagne, Les vrais terroristes, c’est la Milice ou encore Le Maréchal de France, chef de l’État, rétablit la République. Une note soulignait “Ce numéro exceptionnel du Nouvelliste a été entièrement réalisé par les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) et mis en vente par eux malgré Gestapo et police vichyssoise, à titre de sanction contre la direction collaborationniste de ce journal.”

Faux Nouvelliste © CHRD

• Les trois archers
Au n° 15 de la rue des Archers, les statues en façade XIXe de trois archers rappellent le régiment des archers cantonné sous l’Ancien Régime, à côté du couvent des Jacobins. Il ne reste plus rien de la caserne des archers du début du XVIIIe siècle (cavaliers de la maréchaussée, équivalent de notre gendarmerie actuelle) si ce n’est au n° 10 de la rue Confort un passage voûté conduisant à un reste de cette cour, qui servait d’écurie à ces hommes affectés au maintien de l’ordre.

© Nadège Druzkowski

• La maison Valla
Au cœur du quartier des Brotteaux, cette petite villa bourgeoise aux murs impeccablement blancs, rehaussée d’une fenêtre à la mansarde, a trouvé une coiffe bien insolite. La coquette demeure est, en effet, chevauchée d’un large complexe de bureaux, à l’architecture purement fonctionnelle.

La villa a été construite en 1888-1889 pour Roland Valla, un industriel lyonnais qui possédait une usine de graisses minérales à l’angle de la rue Ney et du cours Lafayette. Habitée par ses descendants jusque dans les années 1990, la villa est rachetée dans les années 2000 par un promoteur immobilier afin de bâtir un immeuble. Vouée à une destruction certaine, la villa est sauvée grâce à sa situation géographique, à proximité du site classé de la gare des Brotteaux, et à la pugnacité du petit-fils de Roland Valla, qui s’est battu pour que la demeure soit classée monument historique. L’accommodement trouvé avec le promoteur a permis de conserver la demeure… au prix d’un bien curieux encastrement.

© Nadège Druzkowski

• La plus petite maison de Lyon
Passant facilement inaperçue, la façade rose bonbon du 28, avenue Maréchal-Foch semble tout droit sortie d’un décor de carton-pâte. Avec son unique fenêtre et son fronton auréolé de deux angelots potelés, paresseusement allongés sous une coupe, la maisonnette semble posée là, telle une mignardise, entre les immeubles voisins.

Avec sa façade de seulement deux mètres de large pour moins de six mètres de haut, et ses 30 m2 répartis sur deux étages, elle a gagné le titre de plus petite maison de Lyon.

Construite en 1878 sur un morceau de terrain des Hospices civils de Lyon, on sait malheureusement peu de choses sur ses premiers propriétaires…

© Nadège Druzkowski

 

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