Hors la “Biennale de Lyon” d’art contemporain, des manifestations sont partenaires, d’autres “en résonance” et d’autres raisonnent toutes seules. Et puis, il y a des “focus” avec de vrais artistes. La BHN (Biennale hors normes) 2015, 6e du nom, en fait partie. À découvrir jusqu’au 18 octobre.
Née en 2005 de l’utopie de plasticiens réunis dans La Sauce Singulière, ainsi que d’interrogations multiples sur la notion même d’art contemporain, la Biennale hors normes (BHN) permet de (re)découvrir 300 artistes venus parfois d’autres bouts du monde, et 37 lieux qui inventeront des œuvres et des espaces autour du thème de l’intime et l’“extime”. Enjeux artistiques et donc sociaux sont au menu en fédérant citoyens et artistes, car ils permettent de concerner et d’associer les publics, même les plus éloignés.
Enjeux sociaux et artistiques
Les enjeux sociaux se retrouvent déjà dans la gratuité totale des expositions et le choix emblématique ou anachronique des lieux : Mapra, université Lyon 2, lycées, bibliothèques, galeries, fort de Vaise, CHU, Ferme du Vinatier, hôpital Saint-Jean-de-Dieu, cinéma Comœdia... qui ne sont pas eux-mêmes dans la norme des circuits habituels. Rien aux Subsistances ou à la BF15, par exemple. L’un des autres enjeux sociétaux est de désenclaver ces milieux ainsi que nos propres (ou sales) rapports à “l’art”, aux œuvres, aux artistes.
Les enjeux artistiques se révèlent déjà dans le choix des artistes présents, habituellement classés (par qui ?) bruts, singuliers, en marge, autodidactes, jeunes pousses sorties d’écoles, opiniâtres jamais émergents ni immergés, refusés, “n’appartenant qu’à eux-mêmes” et non aux circuits académiques ou officiels du marché jet-set de l’art d’aujourd’hui.
Étrange, monstrueux, gai, coloré
À tort ou à raison désignées par les termes “brut”, “singulier” ou “naïf ”, ces formes d’art font ressortir l’étrange, le monstrueux comme le plus gai ou le plus coloré, toujours inscrit au plus profond de la vie, du plus primitif au plus élaboré.
Le plus spectaculaire dans l’esthétique sinon le social sera peut-être l’œuvre incroyable de Jean Rosset, artiste à la fois estampillé brut et contemporain (collection du MAC de Lyon, puis montré à l’IAC). Issu de la première exposition des artistes singuliers à Paris, il y a quarante ans, il sculpte et peint des arbres vivants, guide leur croissance, pour faire naître des visages (18 ici) en autant de sortes de totems monumentaux (université Lyon 2).
La cour d’honneur de la même université sera investie par l’Idéal palace, une “œuvre rencontre”, vaste armature métallique placée autour de la statue de Claude Bernard, où viendront s’accrocher des dizaines de fenêtres préparées et fabriquées depuis longtemps par des participants volontaires, dans l’idée d’un partage simple, ludique et créatif.
Au fort de Vaise, 70 artistes morts et vivants sont représentés avec 200 œuvres du musée de la Création franche à Bègles, l’une des collections les plus complètes d’art “brut et/ou singulier” en France.
À la Mapra, ce sera une autre collection, le fonds Jacquemond du musée d’Art naïf Anatole-Jakovski, avec certaines pièces historiques.
Dialogues intimes
L’incroyable Lyonnais Bernard Pelligand, dont l’œuvre est intégralement et directement peinte sur les murs de son atelier-appartement, présente à la bibliothèque du 3e son travail tout d’ironie ubuesque, amère, aimante, mêlant dans sa “peintavure” l’imaginaire à la réalité.
La ville de Rillieux-la-Pape, partenaire de toujours, propose divers lieux à des artistes de toutes nationalités. Muriel & Max Fueris inventent par exemple une sculpture sonore à la chapelle de la Buissière.
Et puis, à tout seigneur tout honneur, la galerie La Rage réunit Marcelle Benhamou, Guy Dallevet, Jean-François Rieux et Loren, initiateurs de la BHN, qui établiront leurs “dialogues intimes”.
Conférences, stages, résidences, ateliers, spectacles de rue ou d’intérieur et autres rencontres complètent ce riche programme.