Hugh Laurie, coup de blues à Jazz à Vienne

Acteur, écrivain, musicien : rares sont les domaines auxquels Hugh Laurie, alias Dr House, ne s’est pas essayé. C’est en tant que chanteur qu’il était présent jeudi 12 juillet au festival Jazz à Vienne, dans un Théâtre Antique plein à craquer. Critique et impressions.

Sous ses dehors de gentleman au flegme typiquement anglais, Hugh Laurie est un véritable acharné du travail, un hyperactif sur le plan artistique. C’est sous les traits du très cynique Gregory House qu’il s’est révélé aux yeux du grand public. Mais Hugh est également un passionné de musique. Loin de rejoindre la longue liste d’acteurs/chanteurs qui auraient mieux fait de s’en tenir au cinéma, il délivre en 2011 un album plutôt réussi, reprenant les grands classiques du blues de la Nouvelle Orléans.

C’est pour transmettre cette passion pour le blues à son public qu’il écume depuis le début de l’été les festivals européens : après le prestigieux Montreux Jazz Festival et l’Olympia à Paris, c’est à Vienne qu’il s’est arrêté le temps d’une soirée, jeudi 12 juillet. Récit d’un concert en toute intimité.

Au terme d’une première partie haletante assurée par Trombone Shorty et son groupe de la Nouvelle Orléans, il est 22 heures, et déjà les cous se tendent pour tenter d’apercevoir la star de la soirée. Un petit quart d’heure plus tard, Hugh Laurie fait son apparition sur scène, déclenchant un tonnerre d’applaudissements et une série de cris hystériques dans l’assistance.

D’emblée, le ton est donné : il alterne sourires en coin, plaisanteries dans un français hésitant et mimiques faussement étonnées. Le public est déjà sous le charme, mais c’est pour l’instant uniquement son jeu d’acteur qui fait le travail.

Dès que les premières notes de piano retentissent dans le Théâtre Antique, le silence se fait : place maintenant à la musique. Laurie commence à égrener ses interprétations de grands standards du blues. S’il maîtrise parfaitement son instrument de prédilection, le piano, sa voix manque parfois d’amplitude et de profondeur. Cette texture si caractéristique, quasiment rocailleuse, qui anime les voix les plus célèbres du blues manque ici cruellement : n’est pas BB King ou John Lee Hooker qui veut.

Les arrangements, quant à eux, sont impeccables, quoique le plus souvent sans surprises. Quelques-uns se détachent néanmoins du lot : St James Infirmary, le morceau popularisé par Louis Armstrong qui ouvre à la fois l’album et le concert, bénéficie d’une partie piano sublime entièrement composée par Hugh himself. On aurait d’ailleurs aimé voir quelques compositions personnelles sur scène, même si les reprises rendent justice aux chansons originales. Mais il faudra attendre pour cela un éventuel deuxième album.

Preuve d'une approche empreinte de respect, le britannique cherche avant chaque chanson à dire un mot sur les figures mythiques qui les ont composé, ou sur l’histoire qui a inspiré leur écriture. Mais son répertoire n’est pas limité au seul blues : il reprend également des monuments du gospel ou du jazz, tels Joshua Fit the Battle of Jericho ou encore Summertime.

Les morceaux s’enchaînent, mais la magie n’opère pas pour tout le monde. On se demande à ce moment-là si Hugh Laurie n’est pas victime de son propre succès. Certains sont évidemment venus admirer le célèbre Dr House plutôt que le bluesman Hugh Laurie, et se désintéressent donc de la musique une fois leur curiosité satisfaite.

Notre homme ne manque pourtant pas de générosité ni de bonne volonté et sa passion pour les morceaux qu’il revisite transparaît largement, notamment lorsque son interprétation mélancolique de Swanee River dérive en un boogie effréné. Le public commence alors à s’animer davantage.

Le concert connaît de beaux moments de grâce. Un peu avant la fin, l’éclairage sur scène se fait plus tamisé et voit Hugh accompagner au piano un clarinettiste virtuose pour un duo magnifique et très intimiste.

Un peu avant minuit, après deux rappels et de multiples "thank you so much Vienne", les projecteurs s’éteignent. Finalement, on a assisté à une performance très honorable, à laquelle il manque un petit quelque chose supplémentaire pour faire oublier aux festivaliers la fraîcheur qui s’est installée sur le théâtre Antique après la tombée de la nuit.

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