Il était une fois Claudia Cardinale

De Tunis à Hollywood en passant par l’Italie, elle a su conquérir, par son charme méditerranéen et ses films emblématiques (Il était une fois dans l’Ouest), des générations de cœurs cinéphiles. Depuis le 26 avril et jusqu’au 25 juin, l’institut Lumière rend un hommage admiratif à l’immense carrière de Claudia Cardinale à travers une rétrospective.

“Je n’ai accepté d’être comédienne que si j’avais la garantie de la liberté. Quand des producteurs se sont intéressés à la toute jeune fille que j’étais en Tunisie, je prenais la fuite : j’étais une petite sauvage à la bouche boudeuse." Cette citation illustre à merveille le personnage qu’est Claudia Cardinale : un modèle de féminité, un parangon d’innocence mêlée à une force presque sauvage. Et une beauté mate, surtout, qui fit d’elle l’égérie des plus grands réalisateurs italiens dès 1955, alors qu’elle n’avait que dix-sept ans.

Une ascension au gré des coups de foudre des cinéastes

Propulsée à la Biennale de Venise de 1955 après sa nomination en tant que "plus belle Italienne de Tunis", où elle est née et a grandi, Claudia Cardinale voit rapidement les producteurs italiens lui faire de l’œil pour l’intégrer à leurs films. Refusant d’abord, acceptant plus tard pour subvenir aux besoins de son fils, elle effectue à contrecœur ses premiers pas dans le cinéma sous la caméra de Jacques Baratier (Goha, 1958) puis de Mario Monicelli (Le Pigeon, 1958). Épousant dans la foulée le producteur Franco Cristaldi, c’est alors pourtant toute l’Italie qui est prête à tomber dans ses bras. Huit et demi, Le Guépard : elle enchaîne les grandes productions, sous l’œil tantôt de Luchino Visconti, tantôt de Federico Fellini, charmant le cinéma italien de sa grâce à la fois sauvage et innocente.

Derrière le voile du succès, un quotidien difficile

Mais, malgré toute l’attention que la Botte lui porte, tout n’est pas si rose pour Claudia Cardinale. Elle est forcée, au début des années 1960, après avoir été violée par un Français, à accoucher à Londres et à faire passer son fils pour son petit frère, et Franco Cristaldi, son producteur de mari, la rémunère mal. Lors de ses premiers films, sa voix, trop rauque au goût des cinéastes, est même doublée en italien. "Je voyais le succès des films augmenter, sans que mon salaire n’augmente pour autant, déplore-t-elle. Et je ne pouvais ni sortir, ni me maquiller à ma guise. Je vivais dans une cage dorée." Une situation qu’elle expurge à travers le cinéma : "Le cinéma m’a sauvée, il m’a aidée à m’ouvrir, et à échapper à ma vie le temps de quelques scènes."

Cette froideur à l’égard d’elle-même, à l’égard des hommes et à l’égard de la vie, elle la conservera longtemps. Claudia Cardinale confesse "séparer vie et travail", et refuse ainsi les avances de Marlon Brando, de Marcello Mastroianni, d’Alain Delon et de tant d’autres. Lorsqu’elle rejoint Hollywood, en 1965, elle rejette le star system en bloc, allant jusqu’à qualifier Peter Sellers de "sinistre", et refuse systématiquement les scènes de nu : "Je ne supporte pas de vendre mon corps. C’est la magie du cinéma, justement : il faut préserver le mystère."

Une carrière de résistante, une vie de combattante

Dans ses films, Claudia Cardinale était une femme libre. On se souvient de Jill dans Il était une fois dans l’Ouest, en 1968, jeune veuve isolée dans le collimateur d’un homme, Frank, joué par Henry Fonda. Malgré l’assassinat de sa famille entière, notamment de son jeune mari, Jill décide de conserver sa propriété et de ne jamais céder aux manipulations de Frank. Cet esprit de liberté se retrouve dans une multitude de moments de la vie de Claudia Cardinale, dans la liberté de ses choix cinématographiques comme de ses décisions amoureuses, par exemple lorsqu’elle échappe au joug de Franco Cristaldi pour épouser Pasquale Squitieri. Ou la liberté qu'elle prend lorsqu’elle s’affiche en public avec son ami Rock Hudson, alors critiqué pour son homosexualité.

Aujourd’hui âgée de 79 ans, Claudia Cardinale se bat encore pour les causes qui lui sont chères : les droits des femmes et des homosexuels, le combat contre le sida. Elle garde également un œil à la fois bienveillant et acéré sur le cinéma d’aujourd’hui, déplorant toujours ce star system qui "exploite les actrices jusqu’à ce qu’elles soient trop vieilles pour faire recette". Et elle encourage, enfin, les femmes à être toujours plus fortes, et à résister : "Il faut se battre !"

Au programme à l’Institut Lumière, jusqu'au 25 juin : les plus grands films de l’actrice italienne, notamment Le Pigeon de Mario Monicelli (1958), Fitzcarraldo de Werner Herzog (1982) ou encore Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone (1968). Le lundi 15 mai à 19h, Laurence Schifano, spécialiste du cinéma italien, présentera également Sandra de Luchino Visconti (1965), à travers une conférence intitulée “Claudia Cardinale ou la beauté sans masque”. Plus d'informations ici.
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