IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Débutant avec Chamonix en 1924, les Jeux Olympiques d’hiver n’ont jamais trop boudé la région Rhône-Alpes. Jusqu’ici, trois éditions se sont déroulées en terres rhônalpines, l’occasion pour Lyon Capitale de revenir sur une bonne entente qui marche.
JO et Rhône-Alpes, c’est un peu le tandem gagnant. En un petit siècle, la région a accueilli un trio de jeux d’hiver – dans l’ordre, Chamonix, Grenoble et Albertville – tous ayant foulé les terres rhônalpines. Coïncidence ? Sûrement. Toujours est-il, la région attire les jeux d’hiver tel un eldorado sportif. Un tremplin à double tranchant pour les trois villes : les investissements sont massifs, mais le contrecoup peut prendre des allures de caresses. Depuis Albertville en 1992, les JO ont boudé le Rhône-Alpes et plus généralement le bel Hexagone. Quelques tentatives en vrac, certes – Paris en 2008, 2012 et Annecy en 2018 – jusqu’à la consécration de Paris le 13 septembre dernier : elle devient la ville hôte des 33es Jeux Olympiques d’été.
Un article de Lyon Capitale n°159 paru le 24 février 1998, signé par Stéphane Marteau
70 ans d'histoires olympiques
Alors que les Jeux Olympiques de Nagano s'achèvent dimanche, retour sur les différentes olympiades qui se sont déroulées en Rhône-Alpes. De Chamonix en 1924 à Albertville en 1992 en passant par Grenoble en 1968, la région a eu le privilège d'accueillir à trois reprises les Jeux d'hiver. En revanche, les Jeux d'été se refusent toujours à elle. Rétro.
C'est à Chamonix que les premiers Jeux Olympiques d'hiver furent organisés du 25 janvier au 5 février 1924. Mais c'est seulement le 27 mai 1925 que le Comité international olympique (CIO), réuni à Prague, institua officiellement les Jeux Olympiques d'hiver. Il fallut en effet attendre un an pour que les épreuves organisées dans la station chamoniarde reçoivent le label olympique. Cette histoire, qui peut paraître abracadabrante, est pourtant véridique. Le 21 juin 1921, devant le C10 réuni à Lausanne, le comte Clary et le marquis de Polignac, qui représentent alors la France, demandent que l'on organise dans le cadre de la célébration de la VIII' Olympiade des compétitions de sports de neige et de glace. Refus des pays scandinaves qui redoutent que ces Jeux ne concurrencent les jeux hivernaux qu'ils organisent depuis plusieurs années. Finalement, le CIO décide d'accorder son patronage à l'organisation des Jeux d'hiver donnés à l'occasion de la VIII' Olympiade.
13 disciplines et 294 concurrents à Chamonix en 1924
Malgré la concurrence de nombreuses stations françaises, le choix se porte sur Chamonix qui réunit de nombreux atouts, notamment en matière d'hébergement et de conditions climatiques. En outre, la station est desservie par le chemin de fer. La Ville doit toutefois consentir de gros efforts afin d'accueillir cette manifestation. Il lui faut construire une patinoire naturelle de 36 000 m2 (la plus grande du monde), un tremplin de saut à skis ainsi qu'une piste de bobsleigh. Le 24 janvier 1924, tout est prêt. Pour ces premiers 'JO", 294 concurrents ont fait le déplacement. Au programme, treize disciplines, mais aucune compétition de ski alpin'''. Résultat, les Scandinaves trustent les médailles dans les épreuves de ski nordique et plus particulièrement le Norvégien Thor Leif Haug, triple champion olympique (combiné nordique, 18 km et 50 km). Pour sa part, la délégation française doit se contenter d'une médaille de bronze en patinage artistique grâce au couple composé d'Andrée Joly et de Pierre Brunet. Dans cette discipline, le titre revient chez les dames à l'Autrichienne Plank Szabo. Mais c'est une fillette de 12 ans qui retient l'attention. Pour sa première compétition internationale, la Norvégienne Sonja Henie se classe huitième. Quatre ans plus tard, elle enlèvera le premier de ses trois titres olympiques (1928-1932-1936). Un record qui tient toujours ! Opposés à l'organisation de cette manifestation, les Scandinaves se montrent beaucoup plus compréhensifs le 27 mai 1925 quand le CIO décide d'entériner les Jeux Olympiques d’hiver. Il faut dire que sur les treize titres attribués, huit leur sont finalement revenus (quatre pour la Norvège et la Finlande et un pour la Suède) ... La région Rhône-Alpes devra patienter 44 ans avant d'accueillir à nouveau les Jeux Olympiques. Le 28 janvier 1964 à Innsbruck (Autriche), à la veille de la cérémonie d'ouverture des IXes Jeux d'hiver, Grenoble est désignée devant Calgary (Canada) pour organiser les Jeux de 68. Tout a débuté le 24 novembre 1960. Ce jour-là, un entrefilet dans la presse locale mentionne l'intention des élus locaux de poser la candidature de la ville de Grenoble pour le déroulement des Xe Jeux Olympiques d'hiver. Cette annonce provoque aussitôt une vague d'enthousiasme au sein de la population dauphinoise. Du coup, le 30 décembre 1960, le docteur Michallon, maire de Grenoble, notifie officiellement au président du CIO la candidature de sa ville. Avec une altitude de 214 m, Grenoble ne peut pourtant pas accueillir à elle seule l'ensemble des épreuves inscrites au programme des Jeux. Les compétitions de ski se doivent donc d'être réparties entre les diverses stations de sports d'hiver qui entourent la ville : Deux-Alpes, Alpe-d 'Huez, Chamrousse, Lans-en-Vercors, Méaudre, Autrans et Villard-de-Lans. Ces dernières acceptent avec enthousiasme de s'associer à la candidature de la capitale dauphinoise, au même titre que le conseil général de l'Isère.
Les Jeux du Général
Mais le soutien le plus important vient du président de la République, le Général-de-Gaulle. Dès 1964, il comprend l'impact des JO et de la télévision qui diffuse à travers le monde les images des épreuves d'Innsbruck. Une fois connue la désignation de Grenoble comme ville d'accueil en 1968, le Général demande à son Premier ministre, Georges Pompidou, de superviser le bon déroulement des opérations. Dès lors, les Jeux de Grenoble deviennent les Jeux du Général. Le 26 janvier 1966, un comité interministériel est créé, chargé de diriger les travaux et de coordonner les financements. Quinze ministères sont sollicités et un milliard de francs (7 milliards de francs 1997) de crédits sont alloués. Cette somme colossale permet la construction d'installations sportives, l'amélioration de la voirie et du réseau ferroviaire, l'édification d'équipements généraux et culturels tels que l'hôtel de ville, la caserne des pompiers, la maison de la culture, l'aménagement du centre audiovisuel de Malherbe et du village olympique... Résultat, le 6 février 1968, c'est une ville nouvelle, métamorphosée, qui accueille les X' JO d'hiver. Les performances des athlètes français sont à la hauteur des efforts consentis. Neuf médailles tombent dans l'escarcelle de l'équipe de France. Les héros se nomment Marielle Goitschel (1re du slalom), Isabelle Mir (2e de la descente), Annie Famose (2e du slalom géant et 3e du slalom), Guy Périllat (2e de la descente), Patrick Pera (3e en patinage artistique) et surtout Jean-Claude Killy triple champion olympique en descente, slalom et géant. Une performance qui passe d'autant moins inaperçue que pour la première fois, la télévision retransmet en direct et en couleur les JO. Quatorze ans après son triplé historique, Jean-Claude Killy se retrouve à nouveau sur le devant de la scène. Le 5 décembre 1981, aux côtés de Michel Barnier, président du conseil général de la Savoie, le champion français, devenu un brillant homme d'affaires, décide de lancer la candidature d'Albertville pour l'organisation des XVI° Jeux Olympiques d'hiver en 1992. Le 11 juin 1982, le conseil municipal d'Albertville entérine le projet. Avec pas moins d'une douzaine de stations 'de ski internationales parmi les plus fréquentées (Val-d'Isère, Les Arcs, Courchevel, La Plagne...), la Savoie a de quoi séduire les premiers membres du CIO. En revanche, si les sports de neige sont bien développés dans la région, les sports de glace (bobsleigh et luge) manquent d'infrastructures. Mais les Jeux sont l'occasion rêvée de remédier à ce problème, de même qu'ils peuvent permettre l'amélioration du réseau de communication dont souffre depuis des années le département. En compétition avec Falun, Lillehammer, Berchtesgaden, Cortina d'Ampezzo, Anchorage et Sofia, Albertville doit pourtant se méfier d'un autre candidat : Paris. La capitale française postule en effet à l'organisation des JO d'été de 92, histoire de commémorer le centenaire de l'appel de Pierre de Coubertin en faveur de la rénovation de l'olympisme. Pour la dernière fois, les JO d'hiver et d'été auront lieu la même année et on imagine difficilement le CIO confier l'organisation de ces deux événements à un même pays. Le 17 octobre 1986, c'est finalement le ticket Barcelone-Albertville qui l'emporte.
280 ME de déficit pour les Jeux d'Albertville