Lyon Capitale n°157
© Lyon Capitale

Il y a 20 ans : les élus locaux ont-ils une vie sexuelle ?

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – En 1998, alors que le monde a les yeux rivés sur Clinton qui tant bien que mal essaie de se dépêtrer d'un scandale sexuel d'ampleur international, Lyon Capitale revient sur les histoires de fesse des élus locaux.

Lyon Capitale n°157, 4 février 1998, © Lyon Capitale

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La plupart n'auraient pas fait long-feu à l'époque de #Balancetonporc. Si l'Histoire se souvient des maires de Lyon pour leurs carrières, il est amusant d'interroger les racontars qui eux se rappellent plus des frasques sexuelles des élus. Entre Gailleton, ancien maire et "tuteur des courtisanes lyonnaises", Herriot le "goinfre raffiné" qui vantait la taille de ses attributs ou Louis Pradel que l'on surnommait le "zizi", il y a eu entre Rhône et Saône de quoi effrayer les mœurs. Entre maitresses et garçonnières, Lyon Capitale dévoile en février 1998 les anecdotes cocasses de la vie sexuelle des représentants lyonnais des siècles derniers, et s'attriste de l'évolution des mœurs qui désormais font se cacher les élus en quête d'aventure charnelle.

Lyon Capitale n°157, 4 février 1998, p. 17 © Lyon Capitale

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Un article paru dans Lyon Capitale n°157 le mercredi 4 février 1998, signé par Alice Géraud.

Les élus locaux ont-ils une vie sexuelle ?

L'Amérique vient de lancer un débat interplanétaire de haut vol sur les rapports agités entre sexe et pouvoir politique. La capitale de l'andouillette se devait de relever le défi en allant voir ce qui se tramait du côté de ses élus Locaux.
A l'heure où les frasques sexuelles d'un certain Bill défraient la chronique mondiale, égratignant au passage les certitudes puritaines d'une Amérique à la fois prétentieuse et honteuse, la France, elle, se gausse. Du ridicule de la situation. Du ridicule des révélations, des déclarations, des mensonges. Mais, surtout, de l'ampleur accordée à ce qu'il convient de nommer... une pauvre et banale histoire de fesses. Au pays où même des histoires de doubles vies et de filles cachées n'arrivent pas à obtenir le statut de scandale public, reléguées aux yeux de la population au rang de simples "ah ouais ?", inutile de dire qu'un débat national sur l'analogie fellation/démission fait doucement rigoler dans les chaumières. Le mot d'ordre est lancé : tolérance. Un esprit qui n'a pas été réservé aux seuls présidents de la République. La classe politique dans son ensemble n'a jamais été vraiment réputée pour son ascétisme en matière sexuelle. Pourtant, elle n'en a que rarement fait les frais. Et, si l'on a pu sourire devant les mésaventures de Félix Faure succombant en mauvaise posture, la vie privée des hommes politiques n'a jamais empêché la vie publique de tourner rond. Lyon, la prude et fervente catholique, n'a pas failli à la règle. Sans aller jusqu'à prétendre que le pouvoir local donnait du cœur à l'ouvrage, il semblerait néanmoins que nombre d'hommes politiques lyonnais aient été forts actifs en ce domaine. Des aventures d'Edouard Herriot, l'insatiable, aux imbroglios conjugaux "classiques" de nombreux élus en passant par quelques faits divers qui sentent le soufre (pour ne pas dire autre chose), la rumeur locale a de quoi se nourrir. . Rumeurs, histoires et anecdotes croustillantes courent dans les traboules depuis que les institutions républicaines ont permis à quelques joyeux drilles et autres chauds lapins d'acquérir un mandat électif. Des informations qui ont toujours circulé en cercle fermé. Lorsque l'on entend le fameux "c'est bien connu, ça se sait", il convient d'interpréter "quelques-uns savent", un petit clan d'initiés vaguement identifiables : hommes politiques bien sûr, notables, journalistes, plus quelques Lyonnais pur jus. Point à la ligne. Car, s'il est bien une constante lyonnaise concernant les ragots, c'est qu'ils bénéficient d'un cercle de diffusion très limité. Au début du siècle, l'écrivain Henri Béraud écrivait déjà dans son Mémorial de la rue Sainte-Hélène : "A Lyon, tout est toléré, hormis l'ostentation ; le vice c'est de se montrer, mais faute cachée est toujours pardonnée." Maire de Lyon pendant plus d'un demi-siècle, Edouard Herriot a laissé derrière lui la trace d'un insatiable tombeur aux arguments impressionnant quand il s'agissait de conter fleurette à ces dames. Ton oblige, on montre sa face vertueuse que pour mieux cacher sa fesse pécheresse. Lyon est la ville où l'on parle le plus de vertu et où, selon certains, on la pratique le moins. Conséquence de cette discrétion toute lyonnaise : jamais les mœurs de nos hommes politiques n'ont été étalées dans la presse. Pourtant, il existe quelques sources, rares traces de pamphlétaires méconnus. Au XIXe siècle, ils se sont essentiellement attelés à répertorier qui fréquentait ou pas les maisons closes. Les élus qui les ont défendus étant immédiatement identifiés comme fervents pratiquants. Ainsi, on a pu dire de Gailleton, maire avant Augagneur à la fin du siècle dernier, que les "courtisanes de Lyon avaient trouvé en lui un véritable tuteur ". Ce qui a été dit à propos du brave docteur l'a été pour beaucoup d'autres. Tant que les "lorettes" ont eu pignon sur rue, on a prêté à de nombreux élus et notables locaux un goût prononcé pour ces lieux de plaisir. Sans savoir réellement qui étaient les véritables assidus. Il est probable même que personne n'ait sérieusement cherché à le savoir. A Lyon, les histoires extra-conjugales des hommes politiques n'ont pas marqué profondément la conscience collective.

Le goinfre raffiné

A une exception près. Une exception qui est restée plus de cinquante ans à la tête de la mairie de Lyon. Le président Herriot n'a en effet pas légué à la postérité que l'œuvre d'un grand politique. Il a également - et surtout diront les mauvaises langues - laissé derrière lui une solide réputation dit de... bon vivant. Prince des fins de banquets arrosés, fin connaisseuse des bonnes tables et des bonnes "maisons" lyonnaises, il s'est fait l'ambassadeur d'une certaine tradition radicale, plus proche de la morale rabelaisienne que du puritanisme américain. Les anecdotes sur la vie sentimentale et sexuelle de celui qu'on appelait le "goinfre raffiné" sont presque aussi nombreuses que les maîtresses qu'on lui a prêtées. Et la visite de toutes ses garçonnières constituerait un pèlerinage instructif pour qui souhaiterait visiter la région. De cette actrice à qui il déclara après l'avoir décoré de la légion d'honneur madame, vous êtes la plus ban-Dante de toute la Comédie Française" à ses commentaires sur certains de ses propres attributs - que l'on disait au passage fort imposants -, Edouard Herriot a participé activement à l'érection de sa réputation. Réputation que l'on jugeait à l'époque plutôt flatteuse.
Par la suite, aucun de ses successeurs ne s'est montré - publiquement - à la hauteur du maître local. Ni Louis Pradel, que l'on a surnommé le "zizi" à la suite d'une phrase malheureuse où il aurait prononcé ce mot magique, ni Francisque Collomb, ni Michel Noir et encore moins Raymond Barre n'ont jamais réussi à atteindre la notoriété en la matière d'Edouard Herriot. Certains se sont bien permis quelques incartades, mais, dans l'ensemble, l'Hôtel de Ville semble avoir perdu de sa vitalité libidineuse d'antan. Heureusement, la vie politique locale ne se résume pas à celle des maires de Lyon. D'autres premiers magistrats municipaux, à l'image de Charles Hernu, ont su faire de leur passion pour la gent féminine, un art maîtrisé sur le bout des doigts. De même, adjoints, députés et conseillers en tous genres n'ont pas hésité à s'en donner à cœur joie. Les adultères à gogo, les maîtresses placées "au chaud" dans un bureau confortable, les épouses aimantes qui ont su à force de volonté assurer la carrière de leurs maris, les rendez-vous réguliers comme celui de la rue de Condé, ... Des us et pratiques locales plus ou moins notoires mais qui n'ont jamais été l'objet que des conversations de salon, évitant prudemment de se répandre sur la place publique.

Scandales

Signe des temps, parmi les histoires de fesses lyonnaises, seules celles qui ont viré en eau de boudin ou en fait divers glauques ont eu un écho important auprès de l'opinion, acquérant ainsi une certaine postérité. Au début des années soixante-dix, un député lyonnais connu notamment pour avoir déposé un amendement sur les maisons closes, avait été inquiété dans des sombres affaires de proxénétisme sur la Croix-Rousse. Le tryptique "cul-fric-magouilles" n'a pas franchement contribué à la gloire de l'élu en question. Mais, en règle générale, rares sont les scandales qui ont réellement réussi à ébranler la carrière ou l'honneur d'hommes politiques. La mort de Charles Ebrauder, ancien président de Région, chargé des Finances à la Ville de Lyon, dans les bras d'une prostituée n'a jamais été ignorée, au contraire. On a bien tenté de dissimuler la tragique fin mais, les habitudes du monsieur étaient trop célèbres pour tomber aussi facilement aux oubliettes. Il ne semble pas que sa réputation et la notoriété politique en ait réellement pâti. On a sagement laissé la vie publique prendre le dessus sur la vie privée. Alain Mayoud, député de droite, dont l'homosexualité était connue, a pu se faire élire et laissé l'image (il est décédé en 1993) d'un homme politique très apprécié dans une circonscription essentiellement rurale. Et puis, les mœurs ont évolué. Celles des hommes politiques avec. Certains assument en renouvelant leurs femmes et leurs maîtresses en même temps que leurs mandats électoraux. D'autres se cachent ou cachent l'objet de leurs désirs (dans une lointaine garçonnière parisienne par exemple). Mais, surtout, depuis la libéralisation sexuelle des années soixante-dix, les petits écarts à la morale catholico-connu-gale sont devenus moins condamnables, donc moins intéressants pour l'opinion et moins glorieux pour leurs auteurs. Exit les prestigieuses frasques et performances sexuelles des radicaux lyonnais. Voici venu le temps des exploits de l'ombre. Celui où l'on peut croiser quelques-uns de ses députés dans les recoins des clubs échangistes sans que cela soit étalé dans la presse. Celui aussi où l'on se permet d'accorder à sa maîtresse des faveurs bien peu romantiques mais qui font toujours plaisir et qui ne coûtent qu'au contribuable comme... l'obtention de marchés juteux. Chose que l'on ne se permettrait pas de faire avec une compagne officielle. Décidément, les rapports entre sexe et pouvoir ne se nourrissent pas que d'amour et d'eau fraîche. Un peu d'argent pimente certaines de ces relations dangereuses.
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