IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Le projet entre et sort des ordres du jour de la ville depuis plus de vingt ans. La ligne de train Lyon-Turin fait débat depuis soixante ans, l'année où le projet doit atterrir sur le bureau du ministre des transports.
En 1998, les défenseurs du projet de ligne Lyon-Turin sont amer. Deux autres projets, le TGV Est et le TGV Rhin-Rhône l'ont pris de vitesse. Au jeu de la rentabilité, la ligne franco-italienne perd de 2% face à ses nouveaux concurrents. Pas grand-chose a priori, mais sur un budget de 70 milliards d'euros qui prévoit un tunnel de 54km sous les Alpes, chaque sou est compté. En fait, le projet à du plomb dans l'aile depuis plus de vingt ans, même s'il n'a jamais été vraiment abandonné. En 2018, entre le village de Maurienne qui se mobilise contre et le dégagement du Conseil d'orientation des infrastructures, on peut sans trop se mouiller imaginer qu'il faille encore attendre quelques années pour que les lyonnais puissent rejoindre la capitale Piémontaise en 1h30.
Un article paru dans Lyon Capitale n°158 le mercredi 11 février 1998, signé par Gilles Leluc.
Lyon-Turin, à petite vitesse
Boudée vendredi dernier, La consultation par les collectivités territoriales de Rhône-Alpes du projet de train à grande vitesse Lyon-Turin devrait parvenir au ministre des Transports Jean-Claude Gayssot dans Les prochains jours. Mais le gouvernement Jospin annonçait dans le même temps qu'il portait d'abord ses choix sur les TGV Est et Rhin-Rhône. De l'autre côté des Alpes comme chez les élus rhônalpins, on a modérément apprécié.
Cela devait être l'un des mégaprojets du prochain siècle. Cela "devait" car mercredi 4 février, le projet de relier Lyon à Turin par une ligne TGV mixte (voyageurs + fret) s'est vu pris de vitesse par le TGV Est et le TGV Rhin-Rhône. Ces deux projets ont en effet reçu l'aval du gouvernement pour être traités en priorité. Le premier, - qui n'est pas sans faire plaisir à la porte-parole du gouvernement et ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Trautmann (ex-mari de Strasbourg), sera mis en chantier dès 99. Le second n'en est pas là. Ardemment défendu par l'actuel ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement, il prévoit un axe à grande vitesse Mulhouse-Dijon avec un double raccordement vers Paris et Lyon. Toutefois, il convient de plancher techniquement sur la question avant de lancer l'enquête d'utilité publique. On parle alors de 2005 dans le meilleur des cas pour un premier tronçon Besançon-Mulhouse. Le coût total des deux projets est évalué à 32 milliards de francs.
Déception italienne
Coup dur, donc, pour la région Rhône-Alpes qui en terminait dans la même semaine avec la consultation des collectivités locales et territoriales sur le projet de TGV lancée en octobre 97 entre Lyon et Turin. Jeudi 5 février, au lendemain de l'annonce gouvernementale en faveur des TGV Est et Rhin-Rhône, Charles Millon a eu un réveil quelque peu amer. "La France comme l'Europe ne pourront pas porter dix projets à la fois. Si on s'engage dans le TGV Rhin-Rhône et le TGV Est, ce n'est même pas la peine de penser à Lyon-Turin." Et le président du conseil régional de faire valoir le principe de la rentabilité des lignes, laquelle n'est pas prouvée sur le TGV Est. Or, il est quasiment acquis que les travaux pour ce TGV Est vont démarrer. Quant au TGV Rhin-Rhône, désormais le seul concurrent du Lyon-Turin, il a été estimé en 96 que sa rentabilité socio-économique serait de 9 % contre 7 % au Lyon-Turin (aujourd'hui, on parle même de 12 % de rentabilité pour le TGV Rhin-Rhône). Enfin, le coût phénoménal de 70 milliards du Lyon-Turin avec son tunnel de 54 kilomètres sous les Alpes explique sans doute le peu d'empressement de la classe politique à faire avancer le projet alors qu'elle est bien décidée à ne mettre en chantier qu'une ligne TGV à la fois. Notre région est donc mal embarquée pour rejoindre la capitale du Piémont en 1h30. De l'autre côté des Alpes, le secrétaire général du comité de promotion italien de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, Bruno Bottiglieri, e fait grise mine, lui aussi, en apprenant la décision française. "Le choix français est très grave. La population alpine n'acceptera jamais l'augmentation du trafic routier et le coût pour les entreprises sera également très important du fait du manque d'infrastructures ferroviaires." Et d'évoquer les contraintes de temps et d'argent qu'impliqueraient un délestage des marchandises vers le port de Gênes ou la Suisse.
Satolas, de toute façon verni
Le fret est effectivement un volet non négligeable du projet sous les Alpes, aspect qui rompt avec l'ancienne culture du TGV-tout-vola-gaurs. D'où un schéma d'infrastructures qui n'est pas sans compliquer l'adoption d'un tracé et les décisions politiques y afférant. Car si depuis Turin, il n'y a pas 36 000 solutions pour rejoindre la frontière - la vallée de Suse demeure la seule possibilité -, côté français, entre Grenoble et Chambéry, on se crêpe déjà le chignon de savoir où se situera la nouvelle gare de Dauphiné-Savoie, alors que le fret peut rejoindre la ligne voyageuse en de multiples points qui font aussi l'objet de chauds débats. La décision du gouvernement Jospin n'est donc pas le seul argument qui tende à faire penser que Lyon-Turin peut encore rester longtemps dans les cartons. Toutefois, il subsiste du positif dans l'argument réaliste de nombreux techniciens et élus qui, à l'image du conseiller régional PS Bernard Soulage, en appelle à un phasage précis sur 30 ans. Un premier tronçon pourrait être réalisé entre Satolas et la Combe de Savoie. Viendrait ensuite la vallée de la Maurienne puis, bien après, le tunnel. Quelle que soit la décision finale, la gare de Satolas tant décriée est peut-être en train de remettre les pendules à l'heure. A défaut de la réalisation rapide de Lyon-Turin, le TGV Rhin-Rhône, via le raccordement sud, devrait mettre Dijon et Besançon à environ une heure de l'aéroport international.