Lyon Capitale n°156
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Il y a 20 ans : Millon prône la révolution régionale

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – L'année 1998 est marquée par des élections régionales particulièrement tendues. Le PS et le FN sont en bonne posture, de quoi effrayer les partis de droite et centre-droite, qui se divisent sur les alliances avec le parti frontiste.

Lyon Capitale n°156, 29 janvier 1998, © Lyon Capitale

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Candidat à sa succession, Charles Millon est président de la région depuis 1988. Début 1998, il entame une campagne des régionales risquée, alors que la droite française peine à convaincre. La montée en puissance du FN a doucement vampirisé certains électeurs du RPR et de l'UDF, qui doivent repenser leur stratégie pour que la droite traditionnelle puisse faire face à l'extrême droite, et au PS. En janvier 1998, l'heure est à la préparation. L'UDF choisit alors Eurexpo pour lancer sa campagne, et prend des tons aux accents de droite dure. Raymond Barre y fustigera par exemple "le confort du chômage" tandis que Millon affirmera sa ligne très libérale, au détour de déclarations choc sur la violence urbaine et l'immigration. Finalement, Charles Millon qui refusait toute idée d'alliance avec le FN devra retourner sa veste et accepter des voix du parti frontiste pour se faire élire.

Lyon Capitale n°156, 28 janvier 1998, p. 18 © Lyon Capitale

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Un article paru dans Lyon Capitale n°156 le mercredi 28 janvier 1998, signé par Philippe Chaslot.

Millon prône la "révolution régionale"

Charles Millon, (UDF - Démocratie Libérale) lançait samedi à Eurexpo la campagne des régionales lors d'une journée-convention. Ses listes ne sont pas encore connues mais le programme, continuité et développement de son action, est désormais posé.
Samedi dernier, Charles Millon organisait à Eurexpo sa convention "Oui à Rhône-Alpes", véritable coup d'envoi de la campagne des régionales. Et ceci, avant même que ses listes, difficiles à accoucher, ne soient constituées. En dissociant ainsi son projet, de l'équipe qui serait à même de le conduire, le président de Région a pris le risque de cristalliser sur sa seule personne l'enjeu du scrutin. En étant le premier à ouvrir le débat, il a aussi "grillé" la gauche qui attend d'avoir des listes et un programme pour se lancer dans la bagarre.

Le "confort du chômage" selon Barre

C'est devant une assistance un peu ricrac de 2 000 personnes, (moins qu'espéré), que Raymond Barre, Alain Mérieux puis Charles Millon sont venus délivrer leurs messages, mêlant leurs interventions à celles d'une vingtaine de "témoins" qui, sur la scène, sont venus apporter leur soutien à l'équipe actuelle (Antoine Guichard, Christian Boiron, Patrick Louis, Jean-Paul Lucet, etc.) La salle mêlait aux sympathisants un large parterre d'élus dont Michel Mercier, président de l'UDF du Rhône qui, en tant que président du conseil général, a dû avaler quelques couleuvres. A plusieurs reprises, la disparition du Département a été évoquée comme une nécessité pour donner plus d'air à la réalité régionale. Pour Raymond Barre, qui aime à labourer les mêmes sillons, cette tribune fut l'occasion de revenir tout d'abord sur ses thèmes nationaux de prédilection. Le maire de Lyon commençait son intervention en raillant le "côté ridicule de l'exception française qui en s'opposant à la mondialisation, promet un avenir illusoire". Après avoir tancé "ceux qui se sont laissé prendre à la complaisance" lors des dernières législatives, il soulignait, sans le nommer, que le gouvernement de Lionel Jospin, "face à la réalité, a été obligé de modifier discours et comportement". Ce coup de patte donné, visant à démontrer que la Région doit, elle, "poursuivre dans la voie de l'adaptation, c'est à dire du progrès", Raymond Barre regrettait que la Région ne soit encore qu'un "SIVOM interdépartemental" et soit affaiblie par un scrutin proportionnel qui ne dégage pas de majorité. Le maire de Lyon, dénonçant ensuite "le confort du chômage" expression qui, selon lui, peut s'appliquer à un tiers des demandeurs d'emploi, énonçait alors les priorités qui doivent être celles de la Région : la formation des hommes et la recherche : "Tout ce qui pourra être fait pour dégager une élite, bien qu'aujourd'hui ce soit la mode de tout passer à la toise et de tout ramener au niveau des pâquerettes, devra être fait", déclarait-il sous les applaudissements. Considérant que l'équipe régionale actuelle méritait d'être reconduite et qu'elle avait prouvé son désir de s'ouvrir au monde, Raymond Barre résumait ainsi, le doigt levé, le débat gauche-droite : "Les Français peuvent choisir la médiocrité ou bien l'initiative et l'effort. S'ils choisissent la médiocrité, il faudra qu'ils la paix".

La "honte" de Mérieux

Alain Mérieux s'éloignant de tout débat trop politicien a, lui, concentré son propos sur son secteur d'activité et de passion, à savoir la modernisation des campus et l'ouverture au monde pour les étudiants. Sur le thème : "On a déjà commencé mais il faudra faire beaucoup plus", il a insisté sur la nécessité de la pénétration internationale de la Région. "Nous devons, multiplier les bourses pour que les étudiants aillent étudier à l'extérieur." Analysant "beaucoup de retard" en France et en Région en ce qui concerne la mise en place des nouveaux systèmes de communication et les nouveaux outils pédagogiques, il a d'autre part stigmatisé l'état lamentable des campus : "Il faudra leur donner un air plus anglosaxon que lépreux. J'ai honte devant ces rues et ces cafétérias défoncées". Prônant un langage de conquête, "Faisons triompher sur le pessimisme de ['intelligence, l'optimisme de la volonté", Alain Mérieux s'est taillé ensuite un vrai succès en déclarant :"Les nouvelles générations sont mieux formées que nous. Ayons l'intelligence de donner le pouvoir à de meilleurs que nous." Des propos qui sonnaient pourtant étrangement dans une convention encore muette sur la réalité du renouvellement promis autour de Charles Millon.

Millon pour une Région "libérale"

C'est par un discours politique et très antijacobin que Charles Millon, président de région depuis 1988 et candidat à sa succession, devait conclure la journée. Dressant un tableau très noir de la situation, chômage, violence urbaine, immigration clandestine, fiscalité confiscatoire, déficit permanent de la Sécurité sociale et scandales financiers, il concluait à une "impuissance de l'Etat français" dû à son "omnipotence". Appelant de ses vœux une "véritable révolution régionale", basée sur une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, Charles Millon mettait en avant l'autonomie offerte par Tony Blair à l'Ecosse et au Pays de Galles, le fédéralisme en place depuis 1945 en Allemagne, un système vers lequel se dirige l'Italie, sans oublier les projets espagnols. "La Région est une chance pour la France que son jacobinisme cloue sur place", a martelé le président de région, tout en rappelant que son projet n'a rien à voir avec celui qu'il décèle chez les socialistes : "Les citoyens devront choisir entre une Région libérale responsable, subsidiaire et une Région d'assistance tutélaire". Charles Millon, en faisant assaut d'anti-jacobinisme, a voulu souligner que la Région a de beaux jours devant elle et, ainsi, donner de l'importance et du rêve à l'élection du 15 mars. En fustigeant ainsi l'Etat, il flatte de vieux réflexes anti-parisiens, sans doute en partie fondés, mais il dégage aussi sa responsabilité des échecs passés en oubliant un peu vite qu'il faisait partie du gouvernement Juppé il n'y a pas si longtemps. Ainsi quand il se déclare, une fois de plus, "personnellement attaché à une loi sur le non-cumul des fonctions", on ne peut tout de même que sourire un peu. Il y a 8 mois Charles Millon était encore maire de Belley, président du conseil régional et ministre de la Défense. S'est-il au moins servi de ces cumuls pour faire avancer une conception fédérale et puissante de la Région ? La question risque de lui être posée pendant la campagne.
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