IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Début 1998, le Conseil d’État prononce l'arrêt de mort de Téo. Du moins, de sa version d'alors. Avec l'annulation du contrat de concession du périphérique nord, les contribuables lyonnais s'attendent à devoir mettre la main au porte-monnaie.
Le 6 février 1998, le Conseil d’État annule le contrat de concession qui lie la communauté urbaine et le groupe Bouygues, exploitant du périphérique nord. A première vue, les automobilistes sont gagnants dans l'affaire, du moins à court terme. En effet, les sages ont annulé le décret approuvant la grille tarifaire. Conséquemment, rouler sur le périphérique nord est devenu gratuit. Pas pour longtemps néanmoins, puisque Raymond Barre ferme le périphérique a l'exception du Viaduc du Rhône, histoire que la gratuité ne devienne pas une habitude. Une gratuité qui semble se payer aux prix fort, un peu plus tard, puisque le Grand Lyon pense à reprendre l'exploitation du périphérique et à indemniser Bouygues, aux frais du contribuable.
Un article paru dans Lyon Capitale n°158 le mercredi 11 février 1998, signé par Frédéric Crouzet.
Téo, enterré en grande pompe
En annulant vendredi 6 février le contrat de concession du périphérique nord, le Conseil d'Etat a prononcé l'arrêt de mort de Téo dans sa version actuelle. Et comme on le craignait, les contribuables lyonnais risquent de payer un enterrement de première classe au défunt Téo.
Vendredi 6 février au soir, la décision du Conseil d'Etat d'annuler le contrat de concession de Téo est tombée brutalement. Personne n'attendait le verdict des juges administratifs avant une bonne dizaine de jours. Des deux côtés des barrières de péage, à la communauté urbaine comme chez le concessionnaire Bouygues, tout le monde a été surpris par la rapidité et la teneur du jugement. Du coup, le cabinet de Raymond Barre, président du Grand Lyon, multipliait durant le week-end les réunions de crise, tandis que les responsables de Téo recevaient les salariés pour calmer les inquiétudes. Et pendant qu'on phosphorait dans les bureaux, les automobilistes empruntaient gratuitement le périphérique nord. Car les sages du Conseil d'Etat n'y sont pas allés de main morte. La juridiction administrative supérieure a donc annulé le contrat de concession qui unissait la communauté urbaine et le groupe Bouygues-Dumez depuis 1991 en vue de la construction et de l'exploitation du périphérique nord. Et pour compléter le paquet cadeau, les juges ont annulé le décret approuvant la grille des tarifs de péage, rendant de fait Téo gratuit. Ces deux arrêts du Conseil d'Etat sont l'aboutissement des recours déposés contre le périphérique nord voilà quelques années par l'écologiste Etienne Tête. Alors qu'il était élu à la communauté urbaine, cet infatigable procédurier était un des rares à clamer que le projet porté par Michel Noir était non seulement fort coûteux, mais aussi entaché d'illégalités. Selon lui, le Grand Lyon ne respectait pas une directive européenne qui lui imposait des mesures de publicité avant la signature du contrat. Vendredi soir, en rendant son verdict, le Conseil d'Etat lui a donné raison.
Un nouveau scénario
Avec une telle décision, voilà le dossier Téo remis une nouvelle fois à plat. La semaine dernière, la communauté urbaine avait négocié avec Bouygues une baisse des tarifs de péage, jugés prohibitifs par les automobilistes lyonnais, afin que Téo trouve son utilité. A présent, il va falloir trouver un nouveau scénario. Mardi 10 février, Raymond Barre a reçu les trois experts chargés de proposer des portes de sortie à ce feuilleton poli-tic-juridique. Leurs propositions seront soumises aux élus communautaires lundi 16 février, lors d'une séance plénière exceptionnelle. En attendant, Raymond Barre a décidé de fermer le périphérique (exception faite du viaduc du Rhône), histoire que les automobilistes ne prennent pas trop goût à la gratuité. Parce qu'il y a de fortes chances qu'une partie du périphérique redevienne payante. Le Grand Lyon pourrait vraisemblablement reprendre l'exploitation du périphérique à sa charge, en indemnisant Bouygues au passage. Pour éviter de faire grimper la pression fiscale, le tunnel demeurerait payant pour les usagers et le viaduc du Rhône serait gratuit. Raymond Barre, sans l'avouer, semble être favorable à une telle solution. Et les élus socialistes sont ouvertement pour. Mais un tel bricolage du dossier Téo, s'il permet de conserver les emplois créés par le périphérique à péage, se fera aux frais du contribuable. Au cours d'une conférence de presse donnée lundi 9 février, Raymond Barre a donné une petite leçon d'économie politique en empli- quand que les sacrifices financiers supplémentaires du Grand Lyon seraient "individualisés". En clair, les contribuables sentiront passer sur leur feuille d'impôts locaux les nouvelles dépenses liées au périphérique. "Je veux que les Lyonnais se rendent compte de ce qui s'est passé et en tirent les conséquences", a-t-il déclaré tout en ajoutant qu'il choisirait la solution "la moins coûteuse pour les Lyonnais". Ça risque de faire chère la leçon pour les foyers fiscaux du Grand Lyon ! Les militants du Collectif pour la gratuité de Téo étaient encore présents lundis jusqu'à minuit sur le périphérique. Pas pour le traditionnel lever de barrières de péage, mais pour protester contre la fermeture du périphérique, devenu gratuit.