Il y a 20 ans : Vénissieux s'attaque au chantier de la jeunesse
par Thomas Frénéat
IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Début 1998, les jeunes Vénissians s'inquiètent surtout du chômage, du racisme et de la pauvreté. La même année, le maire décide de créer un comité consultatif de la jeunesse, pour mieux répondre aux attentes de cette population.
En vingt ans, les préoccupations des français ont bien changé. Le racisme qui inquiétait les jeunes de 1998 n'inquiète quasiment plus personne en 2018 (selon un sondage IPSOS, 5% de la population en 2017), et le terrorisme est passé numéro un des craintes des français. Seul le chômage reste invariablement sur le podium des préoccupations. Il y a vingt ans et à la suite d'un sondage local sur ces mêmes préoccupations chez les jeunes, le maire de Vénissieux décidait de tirer au sort des jeunes Vénissians pour en faire un comité consultatif, qui pèserait sur les décisions de la ville. L'initiative, qui retient 50 jeunes sur plus de 300 inscrits, a pour but de mieux comprendre les préoccupations des moins de 25 ans, mais aussi de leur proposer une approche plus directe de la politique.
Un article publié dans Lyon Capitale n°161 le mercredi 4 mars 1998, signé par Frédéric Crouzet.
Vénissieux s'attaque au chantier de la jeunesse
Les jeunes Vénissians se montrent particulièrement préoccupés par Le chômage et Le racisme. C'est ce qui ressort d'une Large consultation menée à Vénissieux par Ipsos pour Le compte de La municipalité dirigée par André Gerin. Pour répondre aux attentes des jeunes, La mairie vient de créer un Comité consultatif de La jeunesse. Ces membres, âgés de 15 à 25 ans, ont été désignés vendredi 27 février, par tirage au sort.
Au troisième étage de l'imposant hôtel de ville de Vénissieux, le confortable sage du conseil municipal a pris un coup de jeune, ce vendredi 27 février en fin d'après-midi. Une centaine d'adolescents vénissians étaient réunis dans la salle du conseil pour assister, sur fond de musique hip-hop, à un tirage au sort un peu particulier. Des huit Urnes transparentes, alignées à côté des platines de Dj Bliss, du groupe de rap Double N, sont sortis les noms des 50 jeunes de la commune qui siégeront dans le tout nouveau Comité consultatif de la jeunesse (CCJ). Quand elle a entendu l'animateur lire son nom sur le bulletin, catégorie "filles de moins de 18 ans", Sabrina, 15 ans, était émue comme une miss. Mourad, dont le nom est sorti de l'urne "étudiants, lycéens", a levé les bras en l'air en signe de victoire. Ses copains ont crié son prénom. La salle a applaudi. Tout comme le maire, André Gerin (PC), à l'origine de cette initiative avec son élu chargé de la Jeunesse, Philippe Bertannier, étudiant de 25 ans. Durant les deux années de leur mandat, ces 50 conseillers en baskets auront pour tâche de faire entendre la voix de la jeunesse auprès des instances dirigeantes de cette ville de 60 000 habitants, où 40 % de la population a moins de 25 ans. "Il s'agit aussi de réconcilier la politique et les jeunes, à travers un dialogue permanent, un pouvoir partagé, sans pour autant promettre monts et merveilles. Nous leur donnerons une autonomie, un budget. Leurs décisions devront être respectées par le conseil municipal", explique André Gerin. L'idée du CCJ semble avoir séduit les jeunes. Dans une enquête réalisée par Ipsos auprès de 2 000 Vénissians âgés de 15 à 29 ans, 92 % d'entre eux estiment que cette, création est une bonne idée. Menée d'octobre à décembre dernier, cette large consultation baptisée "jeunes, prenez la parole..." a aussi permis de dégager les principales inquiétudes et attentes de la jeunesse locale.
Curieuse leçon de politique
Le racisme et le chômage apparaissent comme les deux premiers sujets de préoccupation des jeunes Vénissians. A la question "si vous étiez maire de Vénissieux, quelles actions seraient prioritaires ?", ils sont 73 % à inscrire la lutte contre le chômage, avant les actions en faveur de fa jeunesse (50 %). Un résultat sans grande surprise dans une ville où le taux de chômage dépasse la barre des 20 % chez les jeunes. Si la famille et le travail arrivent en tête de leurs valeurs de référence, la politique est bonne dernière. "Ce n'est pas surprenant", analyse le maire. "Ils veulent que la politique se fasse avec eux." Et les jeunes semblent prêts à s'engager puisque 20 % de ceux qui ont répondu au questionnaire, soit 400 personnes, ont émis le souhait de faire partie du Comité consultatif de la jeunesse. Vendredi, les 50 délégués ont été tirés au sort parmi 309 volontaires. Cependant, malgré le hip-hop et les jus de fruit offerts, tous n'ont pas assisté à la cérémonie. Sur la photo souvenir, il n'y avait guère qu'une vingtaine de jeunes conseillers autour d'André Gerin. La désignation par les lois du hasard a peut-être enlevé un peu d'intérêt à cette opération, dont le but est aussi d'initier les jeunes aux rouages de la vie politique. Vénissieux a privé sa jeunesse d'une campagne et d'une élection, clés du système représentatif. "Nous avons choisi le tirage au sort pour obtenir une diversité, une parité entre garçons et filles, pour que les jeunes lycéens, étudiants, en formation, salariés ou chômeurs soient représentés de façon équilibrée", justifie Philippe Bertannier. Le comité n'est donc pas un "conseil municipal d'enfants", comme celui qui existe à Lyon depuis 1997 et où siègent essentiellement des ados scolarisés. La première des trois sessions annuelles du CCJ devrait se tenir à la fin du mois d'avril. D'ici là les représentants auront le temps de mieux percevoir leur nouveau rôle lors d'un week-end de travail prévu début avril. A peine la cérémonie achevée, André Gerin a reçu sa première requête. Un groupe de jeunes conseillers fraîchement désignés lui a demandé d'organiser le week-end de travail à la montagne.