Ce week-end, 900 Lyonnais pourront assister à l'exposition "Passage de la prison vers l'Université" montée par 5 artistes, dans l'ancienne prison Saint-Paul (Lyon, 2e) pour les journées du patrimoine. Visite en compagnie d 'un averti. Bruno Paccard, photographe aussi mystérieux que le lieu dans lequel il a passé 3 mois pour une exposition. A voir aux archives de Lyon jusqu'au 23 septembre.
Saisissant, troublant … Voilà les adjectifs qui s'échappaient des conversations ce jeudi 6 septembre aux archives de Lyon devant l'exposition "Chambres obscures". Un témoignage photographique de l'émotion que Bruno Paccard a ressenti, seul, pendant 3 mois, face aux empruntes laissées par les détenus et les gardiens de l'ancienne prison de Saint-Paul. Lyon Capitale l'a suivi lors de la visite des bâtiments qui ouvraient une dernière fois leurs portes, la semaine dernière, en tant que prison.
"J'ai passé 3 mois là-dedans" lance le photographe (en photo ci-contre), qui semble arriver de nul part. Sa carrure et son air sévère, prêtent à confusion. "La sensation est beaucoup moins prenante que lorsque j'ai réalisé mes photos, ça a été nettoyé depuis" nous confie-t-il. Daniel Siino, éducateur spécialisé qui dirige la visite guidée de l'ancienne prison, explique, "pour inscrire l'expo dans le thème du passage de la prison vers l'Université, les lieux ont été égayés par les artistes". Il ajoute, "il fallait éviter la sensation d'étouffement des visiteurs, ça sentait la mort ici".
"Quand je sors d'ici, je fais un enfant à la France et je l'appelle : on gêne"
Mais les traces du passé sont encore loin d'être effacées. Barreaux, meurtrières, filets anti-suicides, barbelés parsemés de "yoyos", ces objets attachés à des ficelles que lançaient ou recevaient les détenus par dessus les murs... tout rappel qu'il y a 3 ans, les lieux étaient encore habités d'hommes en mal de liberté. "Le dessin était leur seul moyen d'exprimer ce qu'ils ressentaient vraiment, ils y mettaient toute leur âme", explique Bruno Paccard. Les murs en sont couverts, au point qu'il est difficile de distinguer le travail réalisé par les artistes de celui des détenus. Les collages d'Ernest Pignon-Ernest, ses dessins, les peintures de Pierre Gangloff, les installations de Georges Rousse et les portraits de Patric Giorda, se mêlent aux tags des prisonniers. Certaines phrases ne trompent pas, notamment celle que le photographe a immortalisé dans son exposition "Quand je sors d'ici je fais un enfant à la France et je l'appelle on gêne".
Bruno Paccard se rappel de sa première visite, "la chose qui m'a le plus marqué ce sont les toilettes. Un ancien détenu avec lequel je suis venu la première fois m'a expliqué qu'ils étaient 6 entassés dans ces cellules de 2 mètre carrés, le mur n'est pas assez haut pour séparer les toilettes du reste de la pièce", invite-t-il à constater. "C'étaient les gardiens qui décidaient quand tirer la chasse d'eau depuis l'extérieur et iles détenus n'avaient le droit qu'à 1 douche par semaine", ajoute le photographe. Il se dirige ensuite devant la cellule où 2 mineurs ont péri asphyxiés quelques mois avant la fermeture et dans laquelle il reste encore la carcasse d'un lit carbonisé, "ils ont mis le feu à leur cellule et sont morts avant que les gardiens n'aient réagi".
"Les annonces de train les faisaient voyager"
Des semaines qu'il a passées ici, seul, entre ces murs étrangement beaux, il ne retient pas de peur. "Je n'ai jamais eu peur, la série de photo que j'ai réalisé à l'Hôtel Dieu m'a donné plus de sueurs froide. Ce qui me fascinait, c'était d'imaginer le quotidien de ces hommes, c'était la lumière sur les murs, les fougères qui poussaient, sauvages, leur contraste avec les barreaux et les barbelés, le bruit des trains qui passent... Vous entendez ?", invite-t-il à écouter. "On saisit très clairement l'annonce des départs et des arrivées depuis l'intérieur des cellules. Les prisonniers les connaissaient par cœur, ça leur permettait de voyager par la pensée. Moi ça me donnait envie de sortir", conclut le photographe avant de s'éclipser, aussi discrètement qu'il est arrivé.
Son exposition aux archives de Lyon se termine le 23 septembre prochain. Celle des 6 artistes dans l'enceinte de la prison, ne sera ouverte qu'à 900 personnes les 15 et 16 septembre prochain. D'après Thierry Magnin, le recteur de l'université catholique, les travaux de construction de l'université commenceront au mois d'octobre prochain et seront terminés à la rentrée 2015. Le bâtiment central de Saint-Paul, vu de haut, forme une étoile vieille de 135 années, il devrait être entièrement conservé. Un moyen de matérialiser les mots de Victor Hugo, "Quand on ferme une prison, on ouvre une école".
Bonjour, je m'incline devant ce beau travail photograhique réalisé dans des lieux peu communs et chargés d'histoire et d'autant du malheur des hommes. Je le sais, pour cause trés bien, ça à été mon lieu de travail. Je regrette juste un peu le manque de clichés du quartier St Joseph. Je regrette aussi un peu le manque de témoignage de collègues surveillants. Je voudrai juste ici rétablir une vérité que de nombreuses personnes ne savent pas où veulent simplement occultés. Malgré une prison plus que vétuste les relations humaines entre les détenus et les surveillants étaient particulièrement proches. Je ne pense pas me trompé en disant qu'il y a plus de suicide dans les prisons actuelles que dans les anciens établissements. Et pour le vivre encore aujourd'hui, la relation-détenus-surveillants est trés compliqué au jour d'aujourd'hui. Les phoos de Bruno PACCARD on la chance d'éxister, il le fallait, mais ne nous trompons pas, la réalité était tout autre.