En adaptant l'un des romans doucereux d'Anna Gavalda, Je l'Aimais, l'actrice et réalisatrice Zabou Breitman montre à quel point passer derrière la caméra est pour elle une affaire personnelle, un parti pris sentimental qui ne regarde qu'elle. Et comme il s'agit de Daniel Auteuil, on la comprend.
Je l'Aimais raconte l'histoire de Chloé. Le cœur brisé, la jeune femme en quête de sérénité part se réfugier à la campagne chez Pierre, un beau-père taciturne joué par Daniel Auteuil, qui va alors lui raconter l'unique histoire d'amour de sa vie. C'était il y a vingt ans, avec Mathilde, et cette déception va s'entremêler à celle de Chloé, dans le ton de la confidence. "Je suis bonne en puzzle, alors j'ai voulu tricoter ce film et faire s'imbriquer les choses", explique Zabou Breitman. Cependant, Je l'Aimais n'est pas tant un film d'amour qu'une œuvre sur l'erreur en amour, filmée par Zabou comme une caresse frôlée, un enjeu se dérobant sans cesse à son expression. Un registre que connaît bien la cinéaste, qui a déjà signé Se Souvenir des Belles Choses et L'Homme de sa Vie.
"Bouleversée" par Auteuil
Plus pudique que ses précédents films, Je l'Aimais prend les traits du héros principal, "graves, silencieux et délicats comme Auteuil", compare la réalisatrice. "Daniel m'a toujours bouleversée dans ses rôles d'amoureux. Je pense aux films de Sautet ou de Garcia, dans ces rôles d'abattu, de désespéré. Il a cette humanité, cette fragilité que je trouve sublimes. Le personnage de Pierre, c'était forcément lui", ajoute-t-elle pour expliquer son choix. Difficile de diriger un acteur comme Auteuil ? Pour la réalisatrice, c'est avant tout une question d'intimidation à dépasser : "Daniel Auteuil parle très peu, il a cette enveloppe de retenue qui nous intimide parfois". "Il excelle dans les jeux lâchés, il n'aime pas du tout répéter une scène, ça l'atteint profondément, poursuit-elle. Alors quand il joue, il se livre complètement, il a cette rare capacité à savoir quand se laisser piller par la caméra."
Dans le film, le personnage de Pierre traverse vingt ans de son histoire. "Daniel a tenu à incarner la vieillesse, sans effet spécial. Il s'arrondissait, s'épaississait, prenait vingt ans dans son corps, dans ses mouvements". Jeux de regards, de silences, gestes retenus, inflexions âpres et vibrantes de la voix : tout, dans le jeu d'Auteuil, est intense. Zabou n'en manque pas une miette et le filme avec amour. C'est juste ce qu'il fallait.
Je l'Aimais de Zabou Breitman, avec Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze, Florence Loiret-Caille. Sortie en salles : le 6 mai