Jimmy's Hall: le jazz irlandais de Ken Loach

CRITIQUE - Un film de Ken Loach suscite toujours beaucoup d'attente. Le prix Lumière 2012 nous a habitué à de longs films sur fond de misère sociale. Jimmy's Hall, son dernier film sorti en salles n'échappe pas à la règle.

Dans Jimmy's Hall, inspiré de faits réels, le spectateur se plonge dans l'Irlande des années 1930, une décennie après que le pays ait connu deux guerres fratricides (guerre d'indépendance et guerre civile). En 1932, Jimmy Gralton (Barry Ward) rentre chez lui après un long exil à New York dû à son combat pour l'indépendance. Il rentre avec la ferme intention de couler une vie paisible sur ses terres natales, le comté de Leitrim, au nord-ouest de l'Irlande. Jimmy va pourtant très vite recréer le club de jazz du comté où il avait fait les 400 coups autrefois avec ses amis communistes. En peu de temps, le dancing redevient un lieu utopique, véritable endroit de liberté où les hommes et femmes peuvent danser, apprendre la peinture ou encore chanter en gaélique.

Un pays déchiré

C'est sans compter la fermeté de l'Eglise et du père Sheridan (Jim Norton), qui n'hésite pas à utiliser les grands moyens pour faire fermer le club. Obsédé par son dancing, qui pervertit la jeunesse selon lui, il met la pression à tous les compagnons de Jimmy, traquant leurs moindres faits et gestes.

La scène clé du film résume cette dualité entre communistes et catholiques : d'un côté le premier bal dans le club de Jimmy, et de l'autre, le sermon du père Sheridan dans son Eglise. Symbole de deux mondes qui ne se comprennent plus, le père Sheridan s'exclame alors : « C'est le Christ ou Gralton ! ». Ken Loach prend parti pour le « bon » Gralton contre le « méchant » catholique Sheridan : toujours dans ses films, le réalisateur britannique choisit le peuple contre les élites, les dominés contre les dominants.

Automatismes

On pourra reprocher à Ken Loach d'utiliser toujours les mêmes ficelles. Un côté un peu trop systématique qui peut lasser. Mais qu'importe, avec Jimmy's Hall, il renoue avec la magie de ses films comme dans Land and Freedom (1995), son chef d’œuvre sur la guerre d'Espagne. Ken Loach prouve qu'il est non seulement un fabuleux conteur mais aussi un photographe émouvant.

Ken Loach filme en 35 mm une époque de l'Irlande déjà évoquée dans Le Vent se lève (2006), palme d'or au festival de Cannes. Cette année, Jimmy's Hall y était présenté. Mais Ken Loach n'a rien remporté. Au point qu'il avait évoqué la possibilité que Jimmy's Hall soit son dernier film. Il n'en sera rien. A 78 ans, Ken Loach est toujours là et encore pour longtemps.

Jimmy's Hall, de Ken Loach (1h49). Avec Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton... Sortie le 2 juillet.

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