Joe Bel

Joe Bel, la flamboyante

Entre un plat de pâtes, un TGV et un concert parisien, on a rencontré Joe Bel, révélation musicale lyonnaise du moment. L’histoire d’une timide que la musique a rendue flamboyante.

On la rencontre place Carnot tandis qu’elle s’enfile une assiette de pâtes, guitare dans son étui et gros sac calé contre la table. Outre la guitare, on la reconnaît à cette chevelure rousse qui aurait fait le miel du tueur-parfumeur de Patrick Süskind. Joe Bel est en partance pour l’un de ces concerts à grande vitesse – et petite rémunération – organisés dans les iDTGV, craignant par avance de déranger les voyageurs. Mais enfin ça paie le voyage à Paris, où elle s’apprête à faire deux dates.

On ne connaîtra pas son vrai prénom, qu’elle refuse de dévoiler, alors on essaiera brièvement de le deviner. Parfois, les filles ont une tête à s’appeler Clara ou Gersende. Pas elle. Et puis, point de coquetterie ici, juste un réflexe de protection pour cette grande timide : “Ce pseudo, la tenue que je porte sur scène [une robe de ce vert qui ne va qu’aux rousses, et sa seule, son unique, paire de chaussures], c’est pour savoir qui je suis dans mon travail. Si je n’étais pas Joe Bel sur scène, est-ce que j’oserais faire tout ça ? Je ne suis pas sûre.”

Ce n’est donc pas tout à fait Joe qui mange en face de nous mais l’ancienne brillante étudiante (prépa et tout le tintouin) qui un beau jour a décidé de tout envoyer balader pour laisser s’échapper les chansons qui lui trottaient dans la tête, parlant de “coming out musical”, pas forcément très bien reçu par la famille. Mais la seule manière pour elle de ne pas devenir schizophrène, exagère-t-elle sans doute un peu.

Hip-pop

Elle ne connaît pas la musique mais l’a apprise, a découvert qu’elle avait une voix, un peu par hasard : en voyage scolaire, elle se croyait seule dans les toilettes d’un hôtel quand une fille de son lycée l’a entendue chanter et en est presque tombée dans la cuvette. À ce jour, elle ne fait de la scène que depuis six mois et n’a joué que deux fois en groupe. Elle semble musicalement vierge, jusqu’à lâcher qu’elle n’écoute pas de musique. Ou si peu. Elle a récemment dansé comme une folle sur un vinyle de Stevie Wonder et n’est pas insensible à Lily Allen. Mais la musique ne fonctionne sur elle que si elle est en mesure de la faire pleurer, ce qui n’est pas très pratique, il faut en convenir.

On se demande donc d’où vient ce mélange musical assez surprenant, où l’on croit entendre mille influences dissoutes dans des morceaux d’une simplicité et d’une sincérité rare, écrits à l’instinct : “Pour les paroles, j’attends d’avoir la mélodie, je cale de l’anglais et du yaourt dessus et ça prend forme, des rimes se mettent en place. Je me rends compte que la chanson a du sens et parfois que j’ai écrit sur quelque chose que je n’aurais pas pensé aborder.” On croit entendre du folk ? La seconde d’après, on perçoit une pointe de reggae – qu’elle fait aimer à ceux qui l’abhorrent, ce qui relève du prodige. Un R’n’B pointe le bout de son nez, elle redevient folkeuse. C’est que Joe a cette étrange capacité : faire claquer sa voix comme les cordes d’un banjo, l’impliquer autant dans la mélodie que dans la rythmique. Elle aime bien le terme “hip-pop” ; elle a le droit, il lui colle assez bien aux basques.

Idéalement, Joe aimerait à l’avenir faire un album “bien fat”, entendre “bien épais”, avec 19 chansons si possible. On trouve que c’est beaucoup et qu’aucune maison de disques n’en voudra jamais, mais comme elle n’en a pas encore conscience on ne dit rien. Elle a plein d’idées comme ça. Rarement, on a rencontré une artiste émergente qui, tout en affirmant n’avoir aucune confiance en elle, se goinfre cette notoriété naissante comme on avale un plat de pâtes : “Je n’ai pas peur, parce que je sais ce que je veux. Je suis relativement inébranlable“, dit-elle. Quelques minutes plus tôt, elle confiait : “Avant, j’étais tellement sensible et timide que j’avais juste envie d’aller me cacher.” On l’a échappé Bel.

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Joe Bel en disque : In the City, Studios de la Ruche/Grande Route Management.

Joe Bel en concert : le 21 mars, au Radiant-Bellevue (Caluire).

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