On imaginait aisément qu'une exposition sur le minois de la muse du 19è siècle, Juliette Récamier, ne dépasserait pas le cadre de l'esthétique innocente. Mais voilà qu'historiquement, l'exposition se révèle riche en surprises, Juliette Récamier étant un personnage d'envergure, fascinante érudite et amie chère de peintres, de sculpteurs et penseurs romantiques du 19e siècle.
Plus qu'une exposition sur une femme mondaine, le Musée des Beaux-Arts consacre, à travers elle, une époque. Celle des années romantiques et lumineuses. Celle où les bons mots trouvent leur refuge dans les salons littéraires, et où les intellectuels fréquentent les peintres italiens, pionniers du néoclassicisme.
A travers Juliette Récamier, ce sont les œuvres de Jacques Louis David, de Chateaubriand, d'Antonia Canova et de Lamartine, qui sont évoquées. Jusqu'au 29 juin, l'exposition Juliette Récamier, Muse et Mécène retrace avec précision cette partie de l'histoire de l'art. Exaltant.
Juliette, la " Merveilleuse "
Née en 1777, issue d'une famille bourgeoise lyonnaise, Juliette Récamier grandit au milieu d'un environnement artistique. Femme de goût, passionnée de peinture et dévorant les livres, elle devint, au 19e siècle, une figure phare des Merveilleuses, ces femmes libérées, têtes pensantes et icônes du bon goût vestimentaire et créatif.
" Juliette est une lumière sereine éclairant un tableau d'orage ". Avec de telles assertions, il ne fait aucun doute que Chateaubriand tomba sous le charme. Et il ne fût pas le seul : les peintres Gérard et Dejuinne, les sculpteurs Canova et Chinard, les écrivains Ampère et Mérimée, tous lui ont voué un culte et ont contribué à son image de muse la plus représentée du 19ème siècle.
Stéphane Paccoud, conservateur au musée des Beaux-Arts chargé des peintures et sculptures du 19e siècle, ajoute que " son image a notamment inspiré de grands personnages littéraires : Léonie de Chateaubriand et Antigone de Ballanche ".
Une Narcisse en robe blanche
En commandant ses propres portraits, ses gravures et des copies miniatures pour son entourage, Juliette Récamier fut la première femme à construire une image publique et officielle. Elle alla jusqu'à accepter la déclinaison de ses traits sur des bibelots et même des boîtes à pastilles pharmaceutiques. Une véritable stratégie de la communication à l'appui, Juliette a contrôlé cette image. Exigeante, " elle n'a pas hésité à rejeter les bustes de Canova et les tableaux de David lorsque ceux-ci n'étaient pas assez élégants ", raconte Stéphane Paccoud. Les apparitions de la muse devenant des évènements rares, " Juliette a été la première à se jouer d'un véritable processus de starification ", conclut-il.
Vêtue pendant toute sa vie d'une robe-chemise blanche en mousseline et coton inspirée de la reine Marie-Antoinette, Juliette Récamier créa également son propre style vestimentaire, symbole de pureté recherché, en marge de la mode du siècle. Une partie de l'exposition est d'ailleurs consacrée à la toilette de cette fashionista avant l'heure, ainsi qu'à ses accessoires et sacs à main. Un coin mode aux Beaux-Arts, " une première " selon le commissaire de l'exposition.
C'est avec l'aide de Madame de Staël, dont elle était une amie proche, que Juliette fit de son salon un lieu intellectuel et cosmopolite. Lamartine y fera la lecture de ses Méditations Poétiques, Les Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand y seront présentées, tandis que Balzac y écrira en partie Peau de Chagrin.
Muse, mécène, collectionneuse et commanditaire, Juliette Récamier est un personnage qui a marqué son siècle comme l'histoire de l'art, et c'est avec délicatesse que le musée des Beaux-Arts nous en apprend les secrets.
Expo Juliette Récamier, muse et mécène. Jusqu'au 29 juin 2009. Musée des Beaux Arts. Lyon, 1er. 04 72 10 17 40.
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