L'amour du court

Richesse de la programmation, hasard du calendrier, pour la fin du mois de novembre le 7e art est à l’honneur avec deux événements liés au cinéma sur le Grand Lyon. En parallèle d’À nous de voir à Oullins, la 31e édition du festival du Film Court de Villeurbanne se tiendra du 19 au 28 novembre prochain. Et si le budget de la manifestation est passé cette année de 75 000 à 70 000 euros, l'équipe compte bien atteindre les 6000 spectateurs (contre 5300 en 2009). Rencontre avec Laurent Hugues le directeur du festival.

Lyon Capitale : Est-ce que le court-métrage reste aujourd’hui le vecteur de création original, d’expérimentation qu’il était encore il y a 10 ans ?

Laurent Hugues : Il l'est plus que jamais ! Mais il est moins médiatisé, moins éclairé par les grands médias. Quelle que soit la compétition, elle remplit toujours ce rôle de laboratoire du cinéma de demain. Quand tout le monde louait la renaissance du cinéma roumain, nous avions déjà pu sentir ce frémissement de renouveau par le biais du court métrage, cinq ou six ans avant. Il en va de même pour la compétition française ou la compétition numérique 2D/3D, avec des auteurs qui tentent de nouvelles formes cinématographiques, avec plus ou moins de bonheur. Le court-métrage est comme le pouls du cinéma, c'est par lui que l'on sait si une cinématographie nationale est vive ou pas. On ne parle pas ici d'économie, mais de talent créatif.

Est-ce qu’on n’aurait pas un peu pris l’habitude de regarder des programmes courts sur un écran d’ordinateur plutôt que dans une salle de cinéma ?

C'est évidemment le cœur du problème aujourd'hui pour répondre à la question : "qu'est-ce que le court-métrage ?". Est-ce un petit film qu'on a tourné entre copains en mini-dv, où l'on fait un peu fi de l'écriture cinématographique de base et que l'on présente dans une soirée "court-métrage" qui s'autoproclame festival ? Est-ce un petit clip d'une trentaine de secondes qui vient nourrir les écrans des smartphones ? Est-ce un film de 5 minutes qui fait le tour du monde grâce à Youtube ? Est-ce le dernier film de 43 minutes de Louis Garrel qui sort sur trois copies en France et qui aura une vie trop confidentielle ? Le court-métrage c'est un peu tout ça aujourd'hui, et il faut savoir trier quand on est spectateur, selon ses affinités, selon ses goûts, selon ce que l'on entend aussi par "cinéma". Je me souviens avoir un jour participé à une table ronde où j'ai pu entendre que l'avenir du court-métrage était sans doute sur les écrans de téléphone portable. Je crois que le fond du problème est en fait là : il est difficile de faire comprendre au public ce qu'est le court-métrage quand le milieu du court-métrage lui-même ne sait plus trop où il en est.

Les festivals de cinéma sont-ils aujourd’hui en crise ?

Si ce n'est pas une crise, c'est une transition qui peut être mortelle pour bon nombre de festivals. Baisse ou gel des subventions publiques, menace de remise en question des compétences culturelles avec la réforme des collectivités territoriales, repositionnement obligatoire, vital et général des festivals vers les fonds privés alors que le dimensionnement des équipes organisatrices n'a jamais intégré jusque là de cellule commerciale... C'est évidemment une période charnière où il va falloir évoluer pour survivre. À tout cela vient évidemment s'ajouter une opposition de plus en plus grande entre l'événementiel et le culturel, dont nous risquons d'être les dommages collatéraux. C'est ainsi que des festivals comme Cinéma Nouvelle Génération, mais aussi Atout Court doivent malheureusement jeter l'éponge. Mais les festivals risquent de souffrir dans les cinq années à venir, n'ayant d'autres solutions que d'évoluer pour exister encore. Nous verrons alors si le public a toujours autant de choix en termes de diversité et de variété de programmation...

Qu’est-ce qui explique la longévité de la manifestation ?

Notre foi en une forme d'expression riche de talents et de créativité. Notre passion et notre engagement a servi de relais entre de jeunes auteurs, leurs œuvres et le public. Le témoignage des spectateurs est primordial. Autant il est difficile aujourd'hui d'intéresser le grand public au court-métrage, autant les spectateurs qui viennent pour la première fois découvrir des films courts en ressortent toujours émerveillés et ravis. C’est là que réside notre plaisir : pouvoir partager ces œuvres. Enfin, si nous durons c'est sans aucun doute aussi grâce à ceux qui croient en nos actions. À l’heure où les partenaires privés choisissent d'autres vecteurs de communication plus rentables comme le sport ou l'humanitaire, nous avons la chance de pouvoir compter depuis toujours sur la Ville de Villeurbanne, sur la Région Rhône-Alpes et sur le Département.

Quelle sera la grande tendance de l'édition ?

Les trois compétitions bien sûr, avec 64 films présentés, qui sont un peu la colonne vertébrale du festival. Mais aussi, le laboratoire du cinéma de demain. Le festival a depuis toujours été un défricheur de talents, et il ne cesse de l'être. Le thème de l'amour que nous abordons dans le cadre de trois programmes spéciaux avec, entre autres, la carte blanche à la Cinémathèque Grolandaise et d’une Longue Nuit de l’Amour. L'engagement régional dans le court-métrage, avec la deuxième édition de la Bourse des Festivals, une table ronde professionnelle sur la diffusion du court-métrage régional en Rhône-Alpes, la projection de courts-métrages régionaux aidés par la Région Rhône-Alpes, le programme Prix de Courts, des films européens primés par le G.R.A.C. Ou encore la Carte Blanche que nous accorderons au Festival du Film Court Francophone de Vaulx-en-Velin... Sans oublier non plus les programmes pour enfants, les rencontres avec les réalisateurs en compétition, la soirée de palmarès

Le Festival du Film Court de Villeurbanne. Du 19 au 28 novembre au Zola.
www.festcourt-villeurbanne.com

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