Le musée d’Art moderne de Saint-Étienne a consacré cet été une exposition personnelle à l’artiste russe Pavel Pepperstein, dont l’univers fantaisiste mêle références historiques et visions futuristes. À voir jusqu’à dimanche.
Représentant russe à la biennale de Venise en 2009, prix Kandinsky (équivalent du prix Duchamp en France) en 2014, Pavel Pepperstein est assez méconnu en France. Romancier, dessinateur, peintre ou encore rappeur, l’artiste né à Moscou en 1966 est pour le moins atypique, pour ne pas dire ovniesque.
À la manière de Charles Avery, créateur d’un monde parallèle régi par des concepts philosophiques et des formes géométriques simples, il imagine des scènes de science-fiction dans des paysages déserts (laissant une large place aux réserves, espaces de la toile laissés vierges), commentées/légendées au moyen d’une écriture cursive très stylisée, comme dessinée à la plume, qu’il intègre à ses compositions.
Détournement
Bien que formellement épuré, l’univers de Pepperstein s’avère complexe par ses sujets et ses nombreuses références – artistiques, politiques, religieuses ou scientifiques. Non sans humour et provocation, il y convoque (autant qu’il piétine) l’histoire de l’art russe, en détournant à des fins usuelles et figuratives les motifs du suprématisme ou du constructivisme, deux mouvements artistiques qui ont marqué le XXe siècle, dont Malevitch et El Lissitzky étaient les figures de proue.
Ainsi, les triangles, cercles et autres formes géométriques élémentaires colorées qui formèrent le vocabulaire des avant-gardes russes se transforment chez Pepperstein en paillasson (Marcher sur le suprématisme), autoroutes (L’Autoroute El Lissitzky dans les Alpes en l’an 2219) ou stickers (Hercule et son professeur Centaure).
Visions rétro-futuristes
L’espace de la toile, chez Pepperstein, devient le cadre de saynètes fictives, de représentations d’un monde futur (que l’artiste décrit apparemment dans ses romans et nouvelles mais ceux-ci n’accompagnent pas les œuvres, dommage) où des astronomes, Narcisses du futur, meurent à cause de leur reflet, où un poisson multicolore digne d’Arizona Dream flotte seul au-dessus d’une banquise ; un monument en hommage au physicien américain Stephen Hawking s’avère être un trou noir, et une expédition au centre du Soleil lui découvre un cœur gelé.
Les visions rétro-futuristes énigmatiques de Pavel Pepperstein sont à la fois poétiques, drôles et anxiogènes. Les paysages y sont désertiques et/ou gelés, les villes informes ; des cowboys colonisent et percent la glace, et la planète Terre est surpeuplée. Science-fiction ? Peut-être pas, finalement.
Malgré un accrochage monotone – et assez indigeste, il faut bien le dire – qui étale la vingtaine de toiles sur les murs blancs de la première salle du musée, cette mise en bouche révèle un travail singulier, qu’il faudra assurément suivre dans les années à venir.