De l’audace, il en fallait à Christian Schiaretti pour plonger dans un mythique texte du XVè siècle de Fernando Rojas, La Célestine, une des trois pièces présentées dans le cadre de son ambitieux projet autour du Siècle d’or espagnol. Dommage que l’audace n’ait pas été invitée à fouler les planches de la scène…
La Célestine, c’est un peu Roméo et Juliette au pays des sorcières. L’histoire est malicieuse : Célestine, vieille entremetteuse pratiquant la sorcellerie, est chargée par Calixte de faire tomber en amour Mélibée, une jeune et noble demoiselle dont le gentilhomme est épris à la folie. Célestine pénétrera dans la maison de la jeune femme en jouant les fausses dévotes. Argent, complot, valets profiteurs, courtisanes vengeresses peuplent l’histoire qui oscille sans cesse de la comédie au drame. Sur un plateau central nu, délimité à ses deux extrémités par de grands portails de bois, les comédiens évoluent dans un incessant va et vient de portes qui claquent qui ne sont pas sans rappeler celles du vaudeville. La scénographie est ingénieuse, le metteur en scène profite de ce large espace pour soigner avec précision les déplacements des personnages dont la démarche et la manière de se mouvoir en disent tout aussi long que leurs répliques.
Hélène Vincent et puis plus rien
Drôle en sorcière maligne assoiffée d’argent, touchante en prostituée dont les charmes n’opèrent plus, saisissante en vieille femme proche de la mort, Hélène Vincent incarne à merveille le personnage de Célestine. Chacune de ses apparitions sur scène est la gageure d’un moment réjouissant. La première partie de la pièce s’avère plaisante (le spectacle dure plus de trois heures), profitant de l’énergie qu’insuffle la comédienne sur scène entourée de partenaires qui ont eux aussi du mordant et qui jonglent avec habileté avec le texte. Mais Célestine meurt dès le début de la seconde partie, une disparition tragique dans l’histoire qui l’est tout autant pour la mise en scène qui soudainement s’écroule… Le rythme, la jouissance des comédiens à incarner et même le procédé scénique s’essoufflent. La vengeance des courtisanes qui mène à la mort des amants représente un tiers de l’œuvre, l’action est totalement bâclée, comme si le temps avait pris de court l’équipe. À tel point que les comédiens sont chargés d’accélérer le rythme en déclamant à haute voix ce qui va se passer dans l’acte ! Un procédé qui casse totalement le parti-pris réaliste du metteur en scène. Les allers et venues des personnages entre ces grands portails deviennent vains, on ne croit plus en cette histoire… Un ennui profond s’immisce. La Célestine, désespérante de classicisme, laisse un goût amer. Christian Schiaretti avait pourtant fait des miracles en choisissant la voie classique dans ses mises en scène de Molière. Mais ici, point de magie, point de jubilation dans les mots, tout est rôdé et calculé… Qu’est-ce que le metteur en scène a voulu dire avec ce texte ? La question demeure sans réponse dans ce spectacle qui ressemble à un travail scolaire de fin d’année certes interprété par de très bons élèves mais dont le professeur semble à court d’idées.
La Célestine, jusqu’au 26 février au TNP. www.tnp-villeurbanne.com