Leïla Slimani © Ph. Matsas / Stock

Culture : la Fête du Livre de Bron tisse sa toile

Après avoir songé à se délocaliser, à l’Espace Albert-Camus notamment, pour une édition adaptée aux règles sanitaires, la Fête du livre de Bron a finalement opté pour une édition web qui s’étendra sur trois week-ends avec une programmation resserrée à partir du 10 mars. Une manière pour Lire à Bron, l’association organisatrice, de repenser plus durablement ses activités et son offre littéraire.

Si l’on en croit Éluard, il n’y aurait pas de hasard, seulement des rendez-vous. Il n’empêche que l’an dernier, en donnant rendez-vous à son public un mois avant sa date habituelle (courant février plutôt que mars pour des histoires de vacances scolaires mal placées), la Fête du livre de Bron s’est concocté un fameux hasard en se faufilant non seulement entre les Gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites mais aussi en se tenant environ trois secondes avant l’émergence officielle de la Covid. À ce niveau-là, ce n’était plus de la chance, mais quasiment du génie.

Cette année, la situation sanitaire étant toujours paralysante, le festival et son directeur, Yann Nicol, confrontés cette fois comme tout le monde au problème viral, avaient décidé d’opter pour une formule adaptable aux mesures sanitaires indispensables, en espérant peut-être, un peu vainement, pouvoir accueillir du monde, un an après le début des restrictions : “Notamment, explique Yann Nicol, en renonçant à l’hippodrome de Parilly, un lieu très vulnérable à la fermeture, qui nous coûte cher et qui avait trois chances sur quatre d’être fermé. Et puis l’hippodrome avec une jauge de 500 ça allait être absolument sinistre. Mieux valait repenser totalement la formule, au moins il n’y aurait pas d’effet de comparaison.”

“Un Invincible Été”

Le festival optait donc pour l’Espace Albert-Camus, régulièrement investi pour des soirées spéciales, et, concernant son volet jeunesse, pour la médiathèque Jean-Prévost – le thème “Un Invincible Été”, chipé à Camus, renvoie à cette relocalisation autant qu’au désir de résistance à ce long hiver sanitaire. L’équipe fabrique alors une programmation resserrée mais renonce pourtant courant janvier quand les rumeurs d’un troisième confinement se font jour, au cœur d’un hiver décidément trop fort. Une décision résignée mais raisonnable : “Même dans le cas où l’on aurait pu ouvrir, on aurait eu tellement de contraintes, on n’allait pas avoir un événement qualitatif. Le but n’était pas de faire un événement complètement troué”, ajoute Yann Nicol.


Cette édition numérique accompagnera une réflexion plus générale pour un festival qui se voudrait tout au long de l’année producteur de contenus


Contrairement à beaucoup de manifestations, la Fête du livre se refuse à un report pour en éviter d’autres, plus tard. Afin de s’épargner aussi d’éventuels embouteillages au moment où l’activité reprendra : “Se retrouver le même week-end que Livre Paris, Étonnants Voyageurs à Saint-Malo et le festival d’Angoulème c’est impossible. Et puis j’avais envie d’être présent sur nos dates.”

Ce sera donc, comme les Assises internationales du roman ou Quais du Polar au printemps dernier, une édition numérique. Mais dont il faut préciser qu’elle accompagnera une réflexion plus générale pour un festival qui se voudrait tout au long de l’année producteur de contenus.

“En apportant quelques transformations à notre outil, à notre vision des choses, nous visons une pérennité au-delà du festival, avec une programmation de saison, notamment sur un média du festival [lequel se dote d’un nouveau site internet, NdlR], et d’être présent de manière plus durable toute l’année. Avec cette édition, nous posons les bases de modes de fonctionnement, autour des produits audiovisuels notamment, qui nous permettront de poursuivre au fil de l’année nos contenus, les rubriques du festival, comme des séries, des catalogues.”

Hervé Le Tellier © Francesca Mantovani / Gallimard

Les Mots de la crise

Au menu d’une édition étalée sur trois (gros) week-ends (au lieu d’un habituellement), du mercredi au dimanche, entre le 10 et le 28 mars, un peu plus, donc, que de simples rencontres filmées : des contenus plus rapides et plus adaptés, comme des lives, des podcasts de rencontres d’écrivains, mais aussi des mini-documentaires ou des ateliers interactifs, y compris et surtout pour les enfants. Histoire de créer un rendez-vous (et de ne pas s’en remettre au hasard), ce menu sera le même chaque week-end : un grand entretien, le mercredi soir à 19 h qui accueillera successivement Leïla Slimani, Hervé Le Tellier et Delphine de Vigan ; le jeudi, l’entretien “Vu d’ailleurs” un coup de fil à un écrivain étranger (le Libanais Charif Majdalani, pour la première).

Le samedi matin à 11 h, “les Mots de la crise”, un rendez-vous avec un intellectuel sur le lexique du temps présent, inauguré par Bruno Latour et le mot “confinement” ; le samedi à 18 h, “Comment ça s’écrit ?”, à travers une discussion avec un écrivain, entièrement consacrée aux dessous de l’écriture et à la construction d’un livre (Lola Lafon y précédera Emmanuel Guibert et Diane Mazloum) ; le dimanche à 11 h, un podcast (produit en amont) “Regards croisés”, dialogues d’auteurs débutants avec Éric Fottorino et Nathalie Léger sur la question de l’art, et le même jour à 18 h, une carte blanche à un auteur (la première avec Guillaume Poix, avant notamment Nathalie Kuperman) sous la forme d’une lecture ou d’une performance.

À noter que le vendredi 12 au soir verra la traditionnelle remise du prix Summer avec les cinq écrivains sélectionnés (Miguel Bonnefoy, Négar Djavadi, Thomas Flahaut, Julia Kerninon et Hugo Lindenberg).

L’auteure jeunesse Jo Witek © Florence Renere

Côté jeunesse, on retrouvera là aussi du live, du “tourné-monté” et beaucoup d’interactivité – avec notamment “l’Atelier du mercredi” où un auteur-illustrateur proposera un tutoriel de création –, des reportages chez les auteurs, menés par Delphine Perret du collectif Bocal, des pastilles sur les grands classiques de la littérature jeunesse, et même un spectacle inédit, Loup d’or. Parmi les auteurs présents : François Roca, Jeanne Macaigne, Edouard Manceau, Jo Witek, Gaëtan Dorémus et Pierre Ducrozet...

Voilà pour les grandes lignes de la programmation (une quarantaine d’auteurs quand même) d’une édition qui ne se veut surtout pas comme “un simple palliatif” mais au contraire une manière “de repenser le rapport au public et au contenu” et qui pourrait faire office, pour le festival et son président, “d’année charnière”. Manière, comme l’an dernier, d’imposer et de transformer sa chance.


Fête du livre de Bron, du 10 au 28 mars sur www.fetedulivredebron.com


 

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