Dans le cadre de la Biennale 2019, la fondation Bullukian accueillait Jérémy Gobé et Andrea Mastrovito. Détournements de matériaux et de techniques, regard contemporain sur un répertoire classique, recours au mouvement du visiteur, utilisation de l’architecture comme support et mise en perspective du rapport de l’homme à la nature sont au cœur des questionnements des deux artistes. Expo prolongée jusqu’au 30 janvier.
Andrea Mastrovito, ciné Lumière et livres disparus
La singularité du regard d’Andrea Mastrovito se traduit à travers quatre installations radicalement différentes dans leur forme. Son exposition à la fondation Bullukian s’ouvre ainsi sur deux œuvres en lien avec l’intérêt de l’artiste pour l’histoire cinématographique. Un damier de marqueteries occupant le sol accueille le visiteur et l’invite à parcourir plusieurs scènes tirées de films des frères Lumière, réinterprétées par l’artiste. Dans une petite salle, une vidéo et son story-board reprennent le récit et l’esthétique du Nosferatu de Murnau, plaqués dans un décor new-yorkais avec ce qu’il comporte d’éléments symboliques et politiques.
De l’autre côté du jardin de la fondation, une première installation est créée à partir de visuels de livres dédiés à la zoologie et aux plantes, aujourd’hui disparus des librairies. Agencés de manière pyramidale, ces deux ensembles évoquent une sorte de pop-up book géant dont les images seraient le fruit d’un regard naïf porté sur la chaîne du vivant. Pour clore cette série d’“inventions sans futur”, l’artiste juxtapose une multitude de règles en plastique de différentes couleurs et joue sur leur transparence pour créer un alignement de vitraux conférant à l’espace des allures de chapelle contemporaine.
Jérémy Gobé, écoconception
C’est à l’occasion d’une résidence au sein d’une entreprise de construction de l’Ain que Jérémy Gobé a mûri le projet de son exposition. Dans ce cadre a priori peu compatible avec le rapport à l’écologie, l’artiste a développé un ensemble d’œuvres autour de la notion d’anthropocène. Souhaitant contrevenir, au cœur même de sa pratique, à l’impact considérable de l’homme sur son environnement, il a conçu un protocole minimisant la pollution générée par sa production. En collaboration avec les équipes techniques de l’entreprise, il a appliqué cette logique à la totalité de ses étapes de conception, des moules recevant sa matrice à la peinture la recouvrant. En résulte un incroyable pavement tapissant entièrement la façade d’un bâtiment situé dans le jardin de la fondation, dont l’irisation étonnante est perçue de manière cinétique par le visiteur, ainsi que plusieurs sculptures y créant un chemin. Alliant matériaux innovants et références naturelles et classiques – chaque plaque est creusée d’un sillon qui rappelle tant la façade du Louvre que le “cerveau de Neptune”, un corail au nom évocateur.
À travers ces deux ensembles faisant corps avec le lieu, Andrea Mastrovito comme Jérémy Gobé nous invitent à une contemplation en mouvement et suscitent un questionnement sur le rapport que nous entretenons, de manière individuelle comme collective, avec le monde qui nous entoure.