France – 1h52
Tant pis si on ne rit pas cette semaine au cinéma. Avec son 17e long-métrage, Téchiné, l'immense réalisateur de J'embrasse pas revient sur les années sida et signe un film choc et pudique sur l'amour menacé d'une génération plombée. Essentiel et magnifique.
L'histoire : En 1984, alors que le fléau Sida fait ses premiers ravages, Manu, 20 ans, débarque à Paris et bouleverse l'existence d'un cercle d'intimes.
Téchiné l'a fait et il n'y avait peut-être que lui pour témoigner aussi subtilement du débarquement du Sida. Dans Les témoins, il attaque frontalement des thèmes qu'il a souvent suggérés (l'homosexualité, le sida) et construit son récit sur le modèle de la maladie dans un crescendo éprouvant. Au début du film tout va vite, comme s'il fallait vivre en accéléré des séries instantanées mais progressivement la menace ourdie. Premières tâches sur le corps : fin de la parenthèse enchantée. Vivre vite et mourir jeune, tel semble le destin presque scellé de Manu (excellent Libéreau).
Comme le visiteur du Théorème de Pasolini, son intrusion dans un cercle de proches, brise un équilibre précaire en révélant des non-dits et les désirs de chacun. Et on préfère prévenir que si les plus sensibles sortiront les mouchoirs, Téchiné ne nous condamne pas au désespoir et ausculte la nature humaine sans pessimisme. Malgré les rappels sordides de l'actualité de l'époque (rumeurs folles, premiers dépistages, progression du virus...), l'effroi laisse la place au drame solaire. Porté par des acteurs bluffants à la fois odieux et bouleversants (Bouajila et Blanc en tête), Les témoins risque d'être le film le plus essentiel depuis Les nuits fauves pour toute la génération sida.
ZOOM EXPRESS
Volem rien foutre al pais
Documentaire de Pierre Carles. 1h47
Après Attention danger travail, Pierre Carles explore à nouveau le monde de l'emploi dans un docu pertinent qui questionne la légitimité du travail dans notre société et la perte de soi-même. Avec des extraits d'archives et des reportages sur des communautés qui vivent en autogestion, il met en perspective le point de vue du MEDEF, du RMIste, de l'ANPE et des alters décroissants pour poser les pistes d'une alternative au travail "classique". Un film pas comme les autres qui donne à réfléchir à deux fois avant de se lever le lundi matin.
LES AUTRES SORTIES
Grandma's boy (de Nicholaus Goosen) - Contre enquête (de Franck Mancuso) - Suzanne (de Viviane Candas) - Le voile des illusions (de John Curran) - Mon fils à moi (de Martin Fougeron) - Le 4eme morceau de la femme coupée en 3 (de Laure Marsac) - After the wedding (de Suzanne Bier) - Day night day night (de Julia Loktev)
LA SELECTION DE LA SEMAINE
Azul - Une drôle de comédie dramatique sur la jeunesse espagnole qui croise les destins avec une folie toute latine et un pessimisme réjouissant.
Little Miss Sunshine - Dans ce road movie sensible et hilarant, on embarque avec une famille de barrés dans l'Amérique profonde et ses illusions de gloire. César 2006 du meilleur film étranger.
Substitute - Un film expérimental qui révèle les sentiments par lesquels passe un athlète sur lequel on ne compte plus. Un moment de vérité pour le plus grand bonheur des fans de foot et des cinéphiles.
Bug - Le meilleur film de William Friedkin depuis L'Exorciste en 1974. Psychose, manipulation, décors angoissants... Bug accumule tout ce qui fait un bon thriller américain.
Le dernier roi d'Ecosse - Avec ses accents de documentaire et sa réalisation palpitante, on sort de ce film troublé. Oscar du meilleur acteur pour Forest Whitaker en dictateur Amin Dada.
La Môme - La vie morose d'Edith Piaf retracée dans un film tourbillon qui entête et inquiète et ensorcelle... Avec Marion Cotillard, probablement dans son plus grand rôle.
Lettres d'Iwo Shima - Après Mémoires de nos pères, Eastwood refait la bataille d'Iwo Jima vue du côté des japonais. Un beau film de guerre sans effort apparent. Clint pourrait quand même prendre un peu plus de risques !
Odette Toulemonde - L'écrivain à succès Eric-Emmanuel Schmitt réunit le couple Dupontel / Catherine Frot dans cette jolie histoire de cinéma inventive et drôle.
Michou d'Auber - Un mélo classique et bien interprété mais bourré de clichés et de bons sentiments. Allergiques à la guimauve : passez votre chemin.
Entre adultes - En entrecroisant les témoignages de six couples façon brut de forme, l'expérience cinématographique et son côté semi-improvisé séduit au début puis use sur la longueur.
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