En partenariat avec Lyon BD, le musée gallo-romain met à l’honneur le poète Ovide et son Art d’aimer, avec un album et une exposition estivale signés Jean-Christophe Deveney et Sara Quod. Inaugurée le 3 juin, celle-ci mise habilement sur l’humour didactique.
Au musée gallo-romain Lugdunum, alors que les Nuits de Fourvière débutent à peine dans le théâtre antique, les sorties scolaires semblent de mise à la pause déjeuner. Cet été, une exposition BD sur l’Ars amatoria, le fameux ouvrage sur l’art d’aimer d’Ovide, poète majeur de l’Empire romain, devrait attirer les foules. Divisé en trois livres, ce premier “manuel de drague” de l’histoire littéraire est célèbre pour ses conseils de séduction aux hommes, ses secrets pour maintenir la flamme dans une relation amoureuse et nombreuses astuces de séduction destinées aux femmes. Dans une visée didactique et critique, le scénariste Jean-Christophe Deveney a tenu à rendre compte dans l’exposition des similitudes des relations amoureuses de l’Antiquité avec celles d’aujourd’hui. Car “rien ne nous sépare vraiment, sur le plan humain, des Romains du Ier siècle”, estime-t-il. Le crayon simple et presque innocent de Sara Quod a illustré ce projet, édité en album aux éditions Lapin, sous-titré : Manuel de séduction antique à l’usage des contemporains. La dessinatrice raconte avoir été motivée par l’“incroyable concept désuet et machiste sous-jacent” de l’œuvre d’Ovide.
L’humour subtil et léger comme outil didactique
À son arrivée dans l’exposition, l’œil du visiteur est attiré par des citations, sur les murs et au sol. Une vraie publicité pour l’œuvre d’Ovide. Néron aurait ainsi déclaré : “L’art d’aimer : un traité qui fera de vous le pyromane de son cœur.” Une certaine Sabine aurait exulté en évoquant “une méthode triomphante que nous envient les Grecs ! Et ça marche même avec une toge !” Cette “méthode triomphante”, les panneaux de Jc Deveney l’expliquent, entre les planches de Sara Quod et les objets sélectionnés dans la collection du musée.
Pour mieux établir les similitudes et les différences des jeux de l’amour dans le monde antique et le monde actuel, le poète romain est campé en love coach dans les dessins (au crayon) de Sara Quod. Un coach qui ne peut s’empêcher d’intervenir dans la vie des visiteurs du musée… Avec un jeune homme et une famille lyonnaise, Ovide est représenté comme un conseiller plein d’assurance et de poésie. En revanche, face à une institutrice et ses élèves turbulents, Sara Quod et Jc Deveney s’amusent à détourner les injonctions de l’auteur du Ier siècle envers les femmes en les retournant contre lui-même : la professeure des écoles lui soumet l’idée de réaliser tous ses conseils pour montrer l’exemple aux élèves. Ovide découvre alors l’épilation ou la craie blanche pour pâlir le plus possible le visage féminin. À chaque rencontre, Ovide raconte une histoire amoureuse impliquant les dieux et les déesses : des scènes que Sara Quod a peintes à l’acrylique, une autre manière de stimuler l’attention des visiteurs. À côté de ces illustrations, sont exposés les objets liés à ces love stories antiques : une statue de Vénus en bronze, des vases à médaillon, épingles à cheveux, vases à parfum (entre autres) qui ajoutent de la matière dans cette immersion antique.
Décalage(s)
Jouant avec le décalage historique – environ… 2 018 ans – Sara Quod n’a pas hésité à user de la liberté de son imagination et à colorer en bleu les cheveux d’Ovide ou habiller Eros d’un simple slip rouge. Mettre à mal les clichés des rapports amoureux est une des lignes directrices des deux auteurs, et cela est appuyé par les panneaux descriptifs du musée : l’explication sur l’importance du physique, du maquillage ou des repas arrosés de vin dans le monde d’Ovide tend à montrer des us et coutumes contraignant surtout les femmes.
Le dernier panneau est un plan des lieux de séduction lyonnais qui auraient pu convenir à la vision d’Ovide sur l’art d’aimer : Fourvière, l’amphithéâtre des Trois Gaules, le théâtre et le forum lyonnais y sont présentés avec clarté. Nouveau trait d’union entre l’Antiquité et la ville actuelle… Stéphanie Dudezert, la responsable des publics du musée, salue le “travail quantitatif et qualitatif avec la collection du musée”. Qui eux-mêmes n’ont plus qu’Ovide à la bouche.