S’il connaît depuis quelques années un revival sur les scènes du théâtre contemporain, le cabaret représente depuis un siècle un espace dédié aux incongruités, aux idées farfelues, ratées ou géniales. Variations à vérifier ce mois, à la Renaissance.
Petite forme ouverte aux convergences et à l’expérimentation, le cabaret a permis depuis le début du vingtième siècle l’émergence d’une certaine avant-garde, en opposition à un art traditionnel plus “noble” et loin de l’image délavée véhiculée par les revues du Lido ou les shows de chez Michou, à Paris. “Notons que cela change, Decouflé lui-même a monté un spectacle pour le Crazy Horse, rappelle dans un sourire Jean Lacornerie, directeur de la Renaissance qui a pour spécificité de dédier totalement sa scène au théâtre musical. Il faut de toutes façons se méfier des dogmes, de ce qu’on désigne comme très bien d’un côté en opposition à ce qui le serait beaucoup moins de l’autre.” Pour lui, l’estampille cabaret permettra ainsi de programmer en décembre aussi bien du récital “engagé” façon rive gauche, où l’on chantera Baudelaire-Rimbaud-Verlaine la tête haute (Compagnons d’enfer), qu’un opéra-comique avec bel canto et tutti quanti (Rita ou deux hommes et une femme), qu’une comédie misogyne et électronique dans laquelle tous les personnages, Peter Falk et William Holden compris, seront interprétés par une seule et vaillante actrice (No way Veronica, ou nos gars ont la pêche).
Question de genre
Sorte d’abri qui accueille les idées folles aussi bien que les identités marginales, le cabaret est un univers où les ambiguïtés de genre et le travestissement trouvent leur lieu d’existence sous prétexte du spectacle et du costume. Et c’est donc à l’occasion de cet événement baptisé Tempo Cabaret que le public de l’agglo pourra faire une rencontre du 3è type immanquable, avec un personnage hallucinant incarné par Denis D’Arcangelo, Madame Raymonde. Inspirée par Arletty mais désormais autonome et loin de la mythique actrice parisienne, la dame Raymonde évoque cette tendance qu’a le cabaret à aller vers la transgression, bien plus dans le rapport de l’artiste avec le public que dans la seule incarnation du personnage. “Elle me fait penser à la tradition de ces mères lyonnaises, qui vous servent des plats délicieux et vous engueulent si vous ne les finissez pas, suggère Jean Lacornerie. Ce spectacle ne flatte pas le public, et il est très joli pour ça.” Une invitation à s’en prendre une dans la figure, bien méritée, celle-là.
Deux questions à Jean Lacornerie,
directeur du théâtre de la Renaissance, sur la première édition d’un “festival” entièrement dédié au cabaret.
Lyon Capitale : La forme cabaret connaît un retour en gloire depuis quelques années. Pourquoi, selon vous ?
Jean Lacornerie : C’est une forme souple, dans laquelle on peut passer d’une chose très simple, comme quelqu’un qui chante avec un piano, à un spectacle beaucoup plus sophistiqué, plus technique. Il s’agit pour nous de proposer une photographie du théâtre musical en France, qui est très éclaté, car il peut se faire aussi bien dans une cave, que dans un théâtre public. La Renaissance est le seul endroit en France, avec la scène nationale de Quimper, à être spécialisé dans le théâtre musical. Je reçois un nombre incroyable de propositions de la part des artistes, bien plus que ce que je ne peux programmer chaque année. Le théâtre musical a un grand besoin de structuration, comme le cirque autrefois, et qui trouve beaucoup plus sa place aujourd’hui.
Tempo Cabaret rassemble cinq spectacles qui collent à la couleur habituelle de la programmation de la Renaissance. Alors pourquoi les avoir rassemblés sous le terme festival ? Une question de communication ?
Oui, bien sûr. Mais festival est un grand mot, il s’agit d’un temps fort, c’est un embryon de festival, l’idée étant que cela en devienne un vrai bientôt. Il faudrait plus de moyens, et qu’il se déroule sur une semaine. On a quand même programmé des spectacles dans nos deux salles, et dans le bac à trail, notre salle de répétition, qui se trouve dans le quartier de la Saulaie. On a eu envie de faire un focus sur le théâtre musical dans l’agglomération lyonnaise, qui ne concernerait pas que nos abonnés. À l’avenir, l’idée ce serait de faire venir des traditions différentes, des Anglais, des Italiens, des Russes, car la figure du cabaret est assez internationale. Dans l’idéal, l’événement devrait être européen.
Festival Tempo Cabaret. Du jeudi 10 au dimanche 13 décembre. Théâtre de la Renaissance - 7 rue Orsel, Oullins. Tél. : 04 72 39 74 91
Un “cabaret surprise” sera joué gratuitement chaque soir au Klaxon, la MJC voisine du théâtre.