Quand un titan rencontre un autre titan, non seulement ils se racontent des histoires de titans mais en plus ils se foutent sur la gueule. Et ça fait un choc. Tout comme peut l’être la vision de ce super nanar antique, tout en muscle mais faiblard.
Disons le d’entrée, Le Choc des Titans, adapté du nanar de Desmond Davies sorti en 1981, existe en version 2D et en version 3D. D’après James Cameron lui-même, qui est un peu devenue à la 3D moderne ce que Pal Sarkozy est à l’art sarkozien, a lui-même déclaré que le passage du film en 3D, élaboré en postproduction était une gigantesque arnaque. Le mieux est encore de le croire sur parole. On peut donc parfaitement s’éviter une migraine ophtalmique en se contentant de la 2D, deux dimensions étant bien suffisantes pour appréhender la criante laideur de ce film, rejeton combiné du mythe de Persée et de l’engouement populaire pour les films en jupette et sandales (un genre en soi). Voici donc Persée, fils de Zeus le priapique et d’une mortelle trop mortelle qui trainait par là, désireux de venger la mort de son père adoptif, un pêcheur, provoquée par la colère d’Hadès. Car oui, les Dieux sont quelque peu colère de la défiance des hommes depuis les dernières élections régionales (euh non), particulièrement les habitants d’Argos, le Neuilly grec, qui harassés par leur funeste condition d’homme, ne trouvent plus le temps de rendre grâce à leur créateur et ont la prière un peu chiche (thème intéressant mais laissé en friche une fois rendu à l’état de prétexte à la baston). Depuis l’Olympe, les Dieux décident donc de sévir, sous l’impulsion d’Hadès qui à force de vivre à la cave est devenu un peu irritable : soit Argos sacrifie la princesse Andromède, soit la Cité sera détruite par le Kraken, une sorte de Godzilla antique croisé calamar. Mais c’est sans compter sur Persée donc. Avec l’aide d’une poignée de guerriers locaux, d’un glaive magique, d’un cheval ailé et de la bienveillante Io (une demi-déesse issue du mannequinat), Persée va s’échiner à déjouer la machination au gré de multiples embuches et d’à peu-près autant de bourre-pifs.
Mythe escamoté
Le film originel de Desmond Davies, kitschissime, avait pour lui de véhiculer, une certaine poésie et le charme de l’artisanat, grâce notamment au travail du pionnier des effets spéciaux et de l’animation image par image Ray Harryhausen dont le Choc fut en quelque sorte le champ du cygne. Dommage car, à 90 ans, il aurait sûrement pu donner quelque tuyau au réalisateur, français, Louis Leterrier (L’Incroyable Hulk, Le Transporteur 2) bien parti pour une carrière de tâcheron. Car ici, point d’artisanat mais de l’industriel façon film de producteur, du premier degré à la truelle et de l’action tout en muscle, ceux notamment de Sam « Avatar » Worthington en John McClane (Die Hard) à sandalettes. La première version du film était sortie à une époque où les jeux vidéo se limitaient à deux rectangles blancs sur fond noir, se renvoyant un carré. Ce remake lui, est de son époque, et adopte la structure narrative de n’importe quel jeu de fight en cuissarde. Les scènes d’action se succédant à vitesse grand V : Persée contre Calibos, Persée contre les Scorpions géants, Persée contre La Méduse (ridiculement passée à la moulinette numérique), Persée contre le Kraken, Persée contre Dracula (non, celui là on l’a rajouté). Pour cela, outre que le film a dû être tronçonné au montage, le mythe, qui se prête plutôt bien à cette succession de scènes de bravoure, est légèrement escamoté (quid de la romance avec Andromède, totalement passée à l’as ici ?) mais enfin on doute que le film intéresse beaucoup de mythologues avertis alors bon. Reste le plaisir de voir Ralph Fiennes cabotiner en Hadès mi-Saroumane (Le Seigneur des Anneaux), mi-Richard III (Richard III, donc). Ou le prodigieux Mads Mikkelsen, monolithique à souhait mais qu’on préfère dans sa filmographie danoise qu’hollywoodienne. Ou encore, plus improbable, le chroniqueur du Grand Journal, Mouloud Achour, en guerrier rondouillard qui s’éclate comme un petit fou avant de disparaître aux portes de l’Enfer et au milieu du récit. Un peu comme le spectateur au bout de dix minutes.