C'est par cette phrase lapidaire que l'historien Hippolyte Taine résuma la ville de Lyon au 19e siècle. C'est pour aller contre ce type de visions faussées que l'universitaire Pierre Vaisse a accepté le commissariat général d'une grande expo sur Lyon au 19e siècle, souhaitée par l'adjoint à la culture de Lyon Patrice Béghain. "Lyon n'était pas que cette ville brumeuse, nauséabonde et grisâtre dépeinte par les voyageurs de cette époque, mais une cité active, ouverte sur le monde et à la pointe du progrès" assure Pierre Vaisse. "Il y a, à cette époque, un mouvement intérieur d'intelligence, de création collective qui porte la cité en avant" souligne Patrice Béghain qui, par cet événement, a voulu "lancer une démarche politique d'investigation sur les ressources de notre ville". La plupart des institutions culturelles de la ville se mobilisent et proposent un programme riche de 18 expositions, 34 conférences, 7 spectacles, des événements festifs et des visites guidées. A partir de mi-avril, le musée des Beaux-Arts proposera une grande exposition sur l'école lyonnaise de peinture fondue dans la peinture française et européenne. Pour l'occasion le MOMA de New-York prête un Picasso de 1906 qui fut présenté à l'exposition universelle de Lyon en 1914. Le musée Gadagne, qui rouvrira alors ses salles d'expositions temporaires, présentera le développement urbanistique de la ville, son rayonnement au travers des missionnaires lyonnais et les trois Expositions universelles de Lyon. Mais dès maintenant, printemps oblige, le Jardin botanique propose un itinéraire de découverte autour des 40 000 variétés de légumes, fruits et fleurs qui furent créés à Lyon au 19e et transforme l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or en salon horticole d'époque.
L'esprit d'un siècle, Lyon 1800-1914, de mi-avril à mi-juillet 2007.
Une question à Frédéric Pautz, directeur du Jardin botanique de Lyon
"Lyon exportait des plantes dans le monde entier"
Lyon Capitale : En quoi Lyon était-elle une capitale de l'horticulture au 19e siècle ?
On a découvert cela grâce à un programme de recherche mené depuis trois ans avec le CNRS, qui nous a plongé dans les fonds anciens du jardin botanique, vieux de 200 ans, et de nombreux documents. Au 19e siècle, Lyon exportait des plantes à travers le monde entier. Un tiers des roses créées au monde étaient obtenues à Lyon ! Le dalhia collerette a été inventé au parc de la Tête d'Or. Le premier nénuphar géant, le Victoria Regia, a été introduit à Lyon, dans une serre spécialement créée pour l'occasion, où il a fleuri pour la première fois !
Quand, à la fin du 19e, de nombreux aristocrates vont sur la Côte d'Azur se faire bâtir leur maison, les horticulteurs lyonnais proposent leurs services pour fleurir leurs jardins. C'est ainsi que le fameux "œillet de Nice" est né à Lyon, inventé par la famille Crozy, qui s'est ensuite installée à Hyères. Les rosiéristes lyonnais sont encore aujourd'hui les plus grands obtenteurs de roses (Guillot, Pernet-Duchez), de même que la famille Rivière, venue de Caluire, est un grand obtenteur de pivoines. A la fin du 19e, on comptait 350 horticulteurs dans la région lyonnaise ; la moitié des expositions universelles de l'époque était consacrée à l'horticulture.
En tout, près de 40 000 espèces de fleurs, fruits et légumes ont été créés à Lyon au 19e. Par exemple, l'un des poireaux les plus vendus en France - le bleu de Solaize - vient de la région lyonnaise, de même que la cerise Burlat, qui a été créée à Lyon !
Fleurs, fruits et légumes : l'épopée lyonnaise, exposition jusqu'au 24 juin au Jardin botanique, dans les serres et à l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or. www.jardin-botanique-lyon.com