C'est aussi un bon moyen pour Michel Raskine de faire tendre l'oreille à son interlocuteur
A en croire le directeur du théâtre du Point du Jour, on devrait enfin assister à une "relecture" burnée et radicale du chef d'œuvre de Marivaux, qui est aussi l'une des mécaniques théâtrales et langagières les plus abouties. Et, par conséquent, l'une des plus difficiles à monter. La mise en scène par Luc Bondy de La Seconde surprise de l'amour, montrée cet automne sur la scène des Célestins, si elle était particulièrement ennuyeuse et se fondait surtout sur des arrangements cosmétiques, a eu toutefois le mérite d'ouvrir une porte, dans le sens préconisé aujourd'hui par Raskine. Ce dernier annonce d'ailleurs sans ciller qu'il souhaite s'inscrire dans la lignée de Planchon et de sa mise en scène de La Seconde surprise de l'amour, ainsi que dans celle de Patrice Chéreau et de sa version toute personnelle d'une pièce peu considérée de Marivaux, La Dispute. " Evidemment que je veux marquer l'histoire, d'autant qu'en choisissant cette pièce mon but n'était pas de monter un Marivaux mais de parler du désir et de l'amour", distingue Michel Raskine. Ici, la comtesse Silvia est promise à Dorante, un noble prétendant, mais décide avant les épousailles de l'observer, en se faisant passer pour sa propre servante, Lisette. Mais, jeu du hasard (avant celui de l'amour), le gentilhomme a eu de son côté la même idée, et prend alors la place d'Arlequin, son valet qui, lui, devra se faire passer pour le futur époux. Dans cette centrale nucléaire du masque et du mensonge, Raskine voit une violence puissante, "parce que la constitution d'un couple marque à jamais son histoire". S'il est fort probable que le spectateur rit à plusieurs moments de la représentation, loin du metteur en scène l'idée de monter une pièce de divertissement. Par ailleurs, Michel Raskine a pris le parti de faire jouer l'ensemble des personnages par des acteurs vieux. "C'est le meilleur moyen de faire entendre les mots, et pas seulement leur musicalité", estime-t-il. "Le but n'est pas de passer pour des gamins de 18 ans, on va jouer avec ce qu'on est et avec nos corps de 60 ans", prévient Marief Guittier, comédienne égérie de Raskine devant l'éternel, qui jouera Sylvia, l'un des pivots dramaturgiques de la pièce qui contient sans aucun doute des clefs de ce texte mastodonte.
Raskine qui aime habituellement à fouiller dans l'écriture contemporaine se lance aujourd'hui le défi de l'amour et du hasard sans "toute son imagerie marivaudienne", déjà un peu agacé que le spectacle s'annonce bientôt complet, justement parce qu'il s'agit de Marivaux.
Le Jeu de l'amour et du hasard.
Du 26 février au 28 mars, au théâtre du Point du Jour, Lyon 5è.
Tél. 04 78 15 01 80.