Fin du suspense concernant le lauréat du prix Lumière 2012, du festival du même nom. Après bien des prises de paris, le nom de l'heureux gagnant est tombé : ce sera Ken Loach, réalisateur britannique et chantre du cinéma social, Palme d'or en 2006 pour Le vent se lève et dont le dernier film, La Part des anges, toujours en salles, a obtenu le prix du jury à Cannes cette année. Le prix lui sera remis le 20 octobre au palais des Congrès.
C'est peu de dire que lors de sa présentation le Festival Lumière nous avait quelque peu laissé sur notre fin, n'étant pas en mesure d'annoncer son prix 2012. Depuis un an, on avait beaucoup parlé de Martin Scorsese, mais c'est finalement – et pour la première fois – un Britannique qui sera honoré par le festival : Ken Loach. Avec le cinéaste de Sheffield, c'est plus de quarante ans de cinéma britannique qui sont honorés mais surtout un cinéma militant.
Entre drames et comédies, Loach, cinéaste revendiqué d'extrême gauche, a presque toujours inscrit son cinéma dans un discours sur la difficile réalité sociale de son pays, notamment celle de la working class. Laissant au passage quelques chefs-d'œuvre comme Kes (1971), une histoire d'amitié entre un jeune garçon et un faucon, qui a profondément marqué toute une génération en Angleterre, ou, encore plus proches de nous (dans les années 1990), les déchirants Raining Stones et Ladybird. Irlande du Nord (Hidden Agenda), guerre d'Espagne (le magnifique Land & Freedom), Irak (It's a Free World) ou guerre d'indépendance irlandaise (Le vent se lève, Palme d'or à Cannes en 2006), Loach a aussi exploré la plupart des conflits qui ont déchiré son pays ou dans lesquels ses compatriotes ont été impliqués, en bien ou en mal.
Le bien, le mal, on a souvent reproché à Loach son manichéisme, voire une forme de naïveté. Ce n'est là que le fruit d'une sincérité et d'un militantisme – certes parfois maladroit (Bread & Roses), mais pas toujours, comme en témoigne le terrible It's a Free World, sur la manière dont le libéralisme peut ravager les consciences – dont, avec l'âge (75 ans), le cinéaste ne s'est jamais départi.
Pas plus que de son souci du réalisme, de son amour des personnages authentiques et des acteurs issus de la classe ouvrière ni de ce ton si particulier qui lui a permis de montrer à quel point l'humour, évidemment tout britannique, pouvait être la politesse du désespoir. Et le moteur d'une énergie folle.