L'équipe des Inattendus a pris la parole ce matin pour défendre les CNP et son offre cinématographique unique sur le Grand Lyon.
Pourquoi une association lyonnaise de " programmation, de réalisation et d'enseignement du cinéma " s'engage-t-elle seule dans une croisade pour sauver les trois cinémas (Bellecour, Odéon et Terreaux) qui composent le Cinéma National Populaire ? L'équipe des Inattendus en bon " compagnon de route " se prétend redevable auprès des salles créées par Robert Gilbert en 1967 : " Les cinéphiles lyonnais ont une dette à l'égard des CNP et de Marc Artigau, qui les dirige et les programme depuis vingt ans, peut-on lire dans une lettre ouverte émise par l'association sur la situation des CNP. C'est dans cet ensemble de huit salles, réparties sur trois sites au cœur de la ville qu'ils ont pu découvrir les cinéastes et les cinématographies de tous pays, de toutes époques et de tous styles ".
Une mort annoncée ?
Jean-François Buiré et Jean-Pierre Sougy, respectivement Président et Directeur artistique des Inattendus, ne comprennent pas le silence qui entoure cette mort annoncée. Pour en expliquer les cause, ils mettent en avant la hausse de loyer, la masse salariale (26 employés), les dettes accumulées auprès des distributeurs et la concurrence de plus en plus prégnante des multiplexes ou du Comœdia autour des films dits d' " Art et Essai porteur ". Sans vouloir trop s'étendre sur le sujet, à moindres mots, ils mettent également en exergue les pratiques " nébuleuses " de gestion de l'actuel pdg Galeshka Moravioff qui racheta les CNP en 1998 à Roger Planchon. Car la volonté, même suggérée, est bien là : l'équipe des Inattendus veut rendre le malaise public et mettre un coup de pied dans la ruche pour demander à la fois une aide des pouvoirs publics mais également, l'ouverture d'un débat avec un Galeshka Moravioff invisible sur ce dossier. Si les cadres des CNP sont tenus au secret, son pdg quant à lui ne semble pas en clin, pour le moment, à discuter de sa stratégie commerciale.
L'offre culturelle en question
Les CNP ont une programmation unique à Lyon qui, si elle disparaissait, laisserait un véritable manque dans le paysage culturel de la ville. Pour exemple édifiant, Marc Artigau est à l'origine de la diffusion des premiers Pedro Almodovar, à une époque où le cinéaste espagnol était encore inconnu du grand public. Le travail de défrichage proche parfois de l'expérimentation semble simplement indispensable. Ce qu'à la ville de Lyon, on veut bien reconnaître, au moment où, justement, un grand festival de cinéma est lancé avec plus d'un million d'euros de subvention du Grand Lyon. Les CNP y participeront d'ailleurs, en octobre prochain mais avec, toujours, une menace de fermeture pesante et, surtout, des conditions d'accueil de plus en plus difficiles.
Des salles à l'abandon
Beaucoup de spectateurs et de professionnels regrettent l'état vétuste de ces trois salles de la Presqu'Île et s'interrogent sur les raisons de cet abandon. Moravioff est pourtant propriétaire de cinémas à Marseille et à Paris, et il bénéficie d'un fonds de soutien collectif (TSA) pour rafraîchir ses salles de la capitale. Cette dégradation dans la qualité de l'offre entraînant, face à une concurrence accrue, une perte de public effective puisqu'en quatre ans, les CNP seraient passés de 300 000 spectateurs à 200 000 (chiffre de l'année 2008). Si les Inattendus, lors de notre entrevue, ne semblait pas vouloir apporter de solutions pour sauver les CNP, ils publiaient dans leur lettre ouverte une sorte d'appel du pied : " Au cas où les difficultés matérielles des CNP s'avéreraient insurmontables, nous éprouverions l'impérieuse nécessité de proposer un projet de reprise, car ces salles ne peuvent pas disparaître sans que le relais en soit assuré ". Pour Jean-François Buiré, c'est une " affaire morale et civique : On sait ce qu'on doit aux CNP. Ils nous ont nourris, il ne faut pas oublier ça ".
Dalya Daoud et Mickaël Draï
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